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ŒUVRES DE STENDHAL.

Une religieuse commet-elle une faute, elle passe dans un couvent à cinquante lieues du premier, et tout est couvert par un silence complet.

L’histoire des établissements religieux en France de 1830 à 1857 serait belle, mais difficile à écrire. Les personnes qui agissent se sentent en présence du grand ennemi de la religion catholique, la publicité, lequel amène après soi cet autre monstre, l’examen personnel. Aucune opération ne laisse de traces. Cette nouvelle Gallia christiana aurait de beaux traits à citer : cet homme du département du Var qui donne sa fortune entière, sept cent mille francs, à la religion.

Une maison de campagne, près Marseille, convient au Sacré-Cœur ; elle valait quatre-vingt mille francs, on la paye cent vingt sans hésiter.

Il me semble que la révolution de 1830, en permettant à la religion de se parer des couleurs du martyre, lui a été fort utile. Elle n’a plus du moins pour ennemis passionnés tous les libéraux, elle peut faire en paix le bonheur ou du moins l’occupation de toutes les pauvres vieilles filles non mariées.

Quant aux femmes, pour lesquelles cette éducation religieuse de 1837 réussit complètement, et qu’elle envoie dans la société régner d’un pouvoir absolu et sans appel, les intérêts du couvent deviennent leur unique occupation, leur seule pensée. Les sentiments tendres ne paraissent, quand ils paraissent, qu’après vingt-cinq ans, lorsque ces âmes soupçonneuses sont lasses du despotisme, et souvent à cette soif inextinguible du pouvoir on sacrifie ce sentiment étiolé que par amour-propre, et pour se croire une femme complète, on appelait amour. Un croyait aimer un jeune homme courageux, simple, d’un noble caractère ; mais il est lieutenant, et, pour avoir la chance de devenir capitaine, il brûle d’aller en Afrique et de planter là sa noble maîtresse.


— Lyon, le 29 mai.

On a établi le musée sur la place des Terreaux, dans le palais