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FÉDER

tifiera notre mariage. Si tu veux faire payer tes portraits cinquante louis, et jamais et sous aucun prétexte ne manquer à tes devoirs de chrétien, tu as un brillant avenir. En attendant le succès certain de la conduite un peu embêtante que je prends sur moi de te faire suivre, je veux t’arranger de mes propres mains l’appartement où tu recevras les jeunes femmes qui, bientôt se disputeront le plaisir de se faire peindre par un jeune homme aussi singulier et aussi beau. Attends-toi à voir respirer dans cet appartement la tristesse la plus austère ; car, vois-tu, si tu ne veux pas être triste dans la rue, il faut absolument renoncer à tout et te condamner à ce malheur de m’épouser dès aujourd’hui. Je vais quitter ma maison de campagne, nous en choisirons une à vingt-cinq lieues de Paris, dans quelque coin perdu. Ce sont des frais de poste qu’il nous en coûtera ; mais ta réputation sera sauvée. Là, au milieu des bons provinciaux du voisinage, tu pourras être aussi fou que le comporte ta nature du Midi ; mais, à Paris et dans sa banlieue, tu dois être, avant tout et pour toujours, l’époux inconsolable, l’homme bien né et le chrétien attentif à ses devoirs, tout en vivant avec une danseuse. Quoique je sois fort laide et que ton Amélie fût très jolie, tu