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l’égal de la connaître. Et, sans doute, le plus grand des hommes se surprend à sentir le remords de sa grandeur.

Voilà Tolstoï, et la douceur où il met toute la gloire.


XV
QUE L’ART S’IMPOSE À
LA SAINTETÉ MÊME ET DOMINE TOUTE VIE


Laissons le soleil préférer une récolte à l’autre, dans le champ qu’il féconde : c’est la moisson tout entière qui importe à ceux qu’elle nourrit. En son effet, l’œuvre du génie échappe à celui qui la crée. Tolstoï qui renie ses poèmes, et Tolstoï qui les a produits, ne seront bientôt qu’un seul homme pour son peuple : il se reconnaîtra, ici et là, en lui seul. Cette vie magnifique est née du sein de l’action ; son art est comme elle, et l’imite. Elle est harmonieuse, avec cette majesté immense et pleine, où la vie seule peut prétendre. Elle se déroule, variée en ses aspects, unique en son cours, grossie insensiblement d’elle-même, comme un fleuve puissant, dont la pensée peut distinguer