Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pide. S’il vous calomnie aujourd’hui, qu’importe ! demain un autre bruit fera oublier sa médisance de la veille. Et d’ailleurs, voyez s’il croit lui-même aux calomnies qu’il répand ? Vous est-il moins soumis ? est-il moins à vos pieds ? non. Alors pourquoi donc attacher à ses folles paroles plus d’importance qu’il n’en attache lui-même ? Jouir et laisser jouir, c’est sa devise ; elle est assez commode je pense : que lui vouloir de plus ?

Madame de Pënâfiel continuait à me regarder avec un profond étonnement. Pourtant croyant sans doute beaucoup plus aux mille conversations sérieuses que j’avais eues avec elle à ce sujet, qu’à la soudaine légèreté que j’affectais alors, elle ajouta :

— Mais, quand à l’étourdissement des plaisirs du monde a succédé le calme, la réflexion, et qu’analysant ses joies on en reconnaît enfin toute la désolante vanité, que faire ?

— Je suis désespéré, madame, de ne pouvoir vous le dire ; je jouis, et j’espère jouir longtemps et mieux que pas un, de ces plaisirs que vous semblez dédaigner ; aussi ne puis-je croire que jamais ils me semblent pesants ; car c’est justement la fragilité, la facilité, la légèreté des liens du monde qui me les ren-