Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/108

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causaient mes insouciantes paroles. Elle crut d’abord que je raillais ; pourtant, je continuai de parler d’un air si dégagé, si impertinemment convaincu, que bientôt, ne sachant que penser, elle me dit en me regardant d’un air stupéfait et presque avec un accent de reproche :

— Ainsi, vous êtes heureux !

— Parfaitement heureux, madame, et jamais la vie mondaine ne m’apparut sous un fantôme plus radieux et plus séduisant.

Madame de Pënâfiel attacha quelques moments sur moi ses grands yeux étonnés, et me dit ensuite d’un ton très-ferme et très-décidé :

— Cela n’est pas… vous n’êtes pas heureux… il est impossible que vous soyez heureux ! Je le sais… avouez-le… et alors je pourrai vous dire… — Puis elle s’arrêta, baissa les yeux comme si elle eût encore retenu un secret prêt à lui échapper.

— Si cela peut vous être le moins du monde agréable, madame, — repris-je en souriant, — je m’empresse de me déclarer à l’instant le plus infortuné, le plus mélancolique, le plus ténébreux, le plus désillusionné des mortels ; et désormais je ne prononcerai plus que ces mots : anathème et fatalité !

Après m’avoir quelques moments regardé