Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/109

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avec un étonnement inexprimable, madame de Pënâfiel dit, comme si elle se fût parlé à elle-même : — Me serais-je donc trompée ?… — Puis elle reprit : — Mais non, non, cela est impossible !… Est-ce que si vous étiez heureux et indifférent comme vous affectez de le paraître, l’instinct ne m’en aurait pas avertie ? Est-ce que je serais venue exposer ma douleur et peut-être mes confidences à être méconnues, raillées ? Non, non, mon cœur me l’a bien dit, c’est à un ami que je parle ! à un ami qui aura pitié de moi, parce qu’il souffre aussi !

Cette singulière persistance de madame de Pënâfiel à me vouloir faire avouer des chagrins ridicules, pour s’en moquer sans doute, m’étonna moins encore qu’elle ne m’irrita ; pourtant, je me contins.

— Mais encore une fois, madame, pourquoi vous opiniâtrer ainsi à me voir, ou plutôt à me croire si malheureux ?

— Pourquoi ?… pourquoi ?… — me dit-elle avec une sorte d’impatience douloureuse, — parce qu’il est certaines confidences que l’on ne fait jamais aux gens heureux ; parce que, pour comprendre l’amertume de certaines peines, il faut qu’il y ait une sorte d’harmonie entre l’âme de celui qui se plaint et l’âme de celui qui écoute