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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

France du 6 décembre 1644, et autres jours suivants ; ensemble le traité fait en conséquence d’icelle, le 14 janvier 1645, et ordonne qu’ils auront lieu et que du contenu en iceux les dits associés de la dite compagnie de la Nouvelle-France et les dits habitants jouiront respectivement à leur égard pleinement et paisiblement, sans qu’il y soit contrevenu en aucune manière que ce soit, et qu’à cette fin toutes lettres nécessaires seront expédiées. — Je soussigné, chef du bureau des archives de la compagnie des Indes, certifie la copie de l’arrêt dont copie est ci-dessus et des autres parts transcrite, conforme à une copie qui est déposée au bureau de dépôt de la marine du roi. — À Paris, le trois juillet mil sept cent cinquante-un. Signé : Dernis[1]. »

La compagnie fit cet abandon moyennant une rente seigneuriale d’un millier pesant de castors. Le sieur Noël Juchereau des Chastelets fut nommé commis général des Habitants. La société de Montréal fit ses conventions à part, se déchargeant en partie sur ses colons des frais et responsabilités à venir. Par exception, il fut permis aux pères jésuites de trafiquer, comme d’habitude, sur une échelle assez restreinte, pour leur aider à subsister.

La mesure allait trop loin, évidemment. Le petit groupe des habitants de Québec et des Trois-Rivières, comme aussi celui de Montréal, n’avaient pas demandé autant de faveurs et d’obligations. Ils exigeaient justice : la diplomatie leur imposa un éléphant à nourrir. Nous sommes convaincu, néanmoins, qu’ils eussent relevé le pays si le pouvoir royal avait envoyé quelques troupes pour contenir les Iroquois ; mais au contraire, l’indifférence pour le Canada grandit chaque jour, à partir de 1645 jusqu’à 1660.

Les habitants étaient autorisés à élire des syndics, ou représentants de leurs intérêts auprès du gouverneur-général : un pour Montréal, un pour les Trois-Rivières, un pour Québec.

« L’institution municipale au Canada aurait dû être la pierre angulaire de la colonisation ; elle eût donné de l’ensemble aux efforts de chacun, elle eût créé des routes, elle eût facilité la distribution des jeunes gens sur de nouvelles terres, elle eût apporté au sein de la population cette vigilance soigneuse, cette sollicitude de détail si précieuse pour les hommes isolés de la campagne, et pour l’emploi judicieux des ressources les plus minimes. Par ses soins enfin, par ses bons avis et le zèle de la chose publique qu’elle eût suscité parmi eux, elle eût prévenu en grande partie les préjudices considérables que causèrent à la colonie les émigrations de coureurs de bois, et elle eût doublé l’énergie et la puissance utile des Canadiens[2]. »

Tel est donc le résumé de l’acte de 1645 : le roi se désiste ou plutôt ne veut plus prêter secours ; les marchands conservent la propriété de la Nouvelle-France ; les obligations tombent à la charge des habitants ; un semblant de liberté politique couvre le tout. Et l’on s’étonne que les Canadiens n’aient point progressé !

Ces nouvelles, apportées au Canada par M. de Repentigny, dans l’été de 1645, se

  1. Édits et Ordonnances, I, 28.
  2. Rameau : La France aux colonies, II, 121.