Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome II, 1882.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

répandirent promptement parmi les sauvages. On tenait alors aux Trois-Rivières des assemblées de toutes les tribus iroquoises, huronnes, algonquines et montagnaises pour la conclusion de la paix, qui fut signée aux applaudissements d’une multitude de sauvages, des habitants, des jésuites, des employés de la traite, des soldats et du gouverneur-général.

Au mois d’octobre, M. de Champflour, commandant aux Trois-Rivières, et M. de Maisonneuve, qui venait d’apprendre la mort de son père, repassèrent en France. M. d’Ailleboust se chargea du gouvernement de Montréal.

Le mois de janvier 1646 fut l’un des mois d’hiver les plus agités qu’on rencontre dans les récits du temps. Les Algonquins n’étaient pas du tout convaincus que la paix durerait. Quatre « cabanes » s’étaient arrêtées à Montréal ; aux Trois-Rivières, il y en avait douze, mêlées de sauvages chrétiens et païens. Le va-et-vient des chasseurs des terres du nord augmentait ce nombre. Tous les bruits, les cancans, les faux rapports de la contrée y aboutissaient. En un certain moment, l’eau-de-vie aidant, il fut question d’ouvrir un conseil pour reconsidérer la situation, sans tenir compte de ce qui avait été réglé, tant avec les Iroquois qu’avec les Français. Il y eut des délégués de Québec pour prendre part à ce mouvement. Chaque jour apportait son agitation. Tout cela ne pouvait échapper aux otages iroquois restés aux Trois-Rivières et à Québec. La situation s’embrouillait de plus en plus. La rumeur la moins douteuse était que les Iroquois n’hésiteraient pas à rompre la paix au premier moment favorable. Trois cents hommes, choisis parmi les Agniers — alors la tribu la plus redoutable — devaient, disait-on, fondre sur les Trois-Rivières avant le printemps.

Dans l’automne de 1645, le fort de Richelieu avait été presque abandonné. Les pères Dendemare et Joseph Dupéron en étaient sortis vers la fin de septembre et n’avaient pas été remplacés ; il n’y restait que huit ou dix hommes. Le commandant, M. de Senneterre (ou Santerre) était retourné en France. Il fut entendu que les missionnaires des Trois-Rivières visiteraient la petite garnison durant l’hiver. Le père de Noue périt, au mois de février, en allant à Richelieu.

Les neiges, fort hautes cette année, et les « démolissements » qui commençaient rendaient la chasse à l’orignal plus fructueuse que de coutume ; aussi vit-on les députés iroquois profiter avec plaisir de ces avantages et courir les forêts en toute liberté, entre Montréal et les Trois-Rivières, jusqu’à la fin de la saison, attendant l’époque fixée pour les conférences.

Les bruits de trahison, de guerre, de désastres prochains ne cessaient de circuler, surtout à Montréal, à tel point que les sauvages de ce lieu, ne se croyant plus en sûreté, parlèrent de se réfugier dans les bois. Une escouade, commandée par le Borgne, de l’île des Allumettes, se dirigea de Montréal sur les Trois-Rivières ; mais, après un court séjour en cet endroit, ces pauvres gens reprirent le chemin de l’île, leur patrie, et ils furent attaqués et dispersés par des maraudeurs iroquois.

À partir de ce moment, la guerre recommença.