CHAPITRE I
1618 — 1621
Les associés demandaient que Champlain ne s’occupât plus que de découvertes, disant que Pontgravé devait avoir le commandement de la colonie. Le roi prescrivit (12 mars 1618) que Champlain aurait seul le droit de tout diriger ; on dut se soumettre. Néanmoins, Pontgravé partit de France comme de coutume et il arriva à Québec juste à temps pour empêcher les hivernants de mourir de faim. C’est lui qui commanda l’habitation l’hiver de 1619-20, pendant que Champlain était en France occupé de se faire rendre justice. « Le sieur du Pont et moi, dit-il, ayant vécu par le passé en bonne intelligence, je désirais y persévérer. » L’accord ne fut pas troublé, en effet ; car les deux hommes, dégagés des motifs qui agitaient les princes et les marchands, ne voulaient que travailler à l’extension de la colonie.
L’année 1618 se passa en démarches et en requêtes. La moitié des marchands, ou bailleurs de fonds, étaient huguenots et voyaient avec déplaisir la détermination de Champlain d’introduire des catholiques dans la Nouvelle-France. Ils se montraient tout aussi hostiles aux projets de colonisation. Comment expliquer leur attitude de manière à satisfaire les écrivains protestants de nos jours qui ne cessent de se lamenter sur le prétendu absolutisme des amis de Champlain ? A-t-on jamais prouvé que les huguenots voulussent fonder ici une colonie digne du nom, c’est-à-dire permanente, stable, agricole, susceptible de se suffire à elle-même ? Nous avons, au contraire, cent témoignages qui démontrent leur opposition à tout ce qui ne tenait point immédiatement au commerce. Pourquoi donc méconnaître les faits ? Si on eût écouté les huguenots, le Canada ne se fût ni défriché ni peuplé.