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nous avons un peu de blé, des racines et des herbages, et notre boisson, c’est l’eau du lac. Nous n’avons plus guère pour vêtements que des peaux de bêtes. Nous n’avons gardé que dix poules, une paire de cochons, deux bœufs et deux vaches pour la reproduction, et du blé-d’Inde pour un an. »

Le 1er  avril 1650, les jésuites de Québec décidèrent d’affecter cinq cents écus par an pour loger les Hurons sur leurs terres de Beauport, « mais il fallait que ce fussent familles les plus choisies. » Bientôt, ce projet ne suffit plus aux nécessités du moment. En effet, quatre cents personnes étaient parties du pays des Hurons avec les missionnaires, et, après cinquante journées de marche, arrivèrent à Québec le 16 juillet (1650). Nous allons voir ce que devinrent ces sauvages.

Les ursulines et les hospitalières avaient reçu des terres des jésuites, prises dans la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges. Aux mois de juin et juillet 1646, il y eut échange pour des terrains situés à la Longue-Pointe, et, en même temps, la compagnie qui possédait l’île d’Orléans en accorda d’autres à ces deux maisons religieuses ; les titres de ces derniers furent signés en 1650, par Olivier Le Tardif, agent de MM. Cheffault, Rozée, etc. Quelques habitants cultivaient sur l’île avant cette date. Nous voyons que, le 14 janvier 1648, le père De Quen y fit une mission et constata que, de Beauport au cap Tourmente ainsi que dans l’île d’Orléans, il y avait « plus de deux cents âmes et plus de cent quarante communiants. » Au mois d’avril suivant, le père Bailloquet alla dire la messe à l’île aux Oies, qui est dans le voisinage, et à la Pointe-Lévis pour la première fois. Olivier Le Tardif accorda à René Maheu, le 15 janvier 1651, la plus ancienne terre d’habitant dont la date précise nous soit connue ; c’était plutôt un fief, car elle mesurait quinze arpents de front. Éléonore de Grandmaison demeurait alors sur l’île ; son mari était parti pour la France, où il mourut bientôt. Le 19 mars 1651, les pères jésuites passèrent contrat avec cette dame pour l’achat d’une partie de ses terres à l’endroit appelé l’anse du Fort, et, le 18 avril, on les divisa en trente lots, le plus grand d’un demi-arpent, les autres de vingt, trente et quarante perches, sur lesquels les Hurons commencèrent à semer ; car ils avaient encore cela de commun avec les Iroquois qu’ils s’adonnaient à la culture de la terre. Cette année, il fallut les nourrir ; en 1652, ils ne récoltèrent pas suffisamment pour le nombre de bouches que renfermait la bourgade ; car il augmentait par l’arrivée de nouveaux fugitifs, et atteignit bientôt six cents. La chapelle de la paroisse de Saint-Jean, commencée en 1651, fut bénite le 2 juillet 1653 ; elle servit aux sauvages et aux Français ; le père Chaumonot alla y demeurer.

La reprise de la guerre avait attiré à Sillery, comme dans un lieu de refuge, plusieurs petites bandes d’Algonquins. L’hiver de 1646-7, le poste renfermait à peu près deux cents âmes. « Deux chemins, écrit M. Ferland, conduisaient de Québec à ce lieu : celui du Cap-Rouge et un autre qui suivait le grève. Deux moulins à farine étaient érigés dans les environs ; l’un sur le ruisseau Saint-Denis, qui traverse le chemin du Cap-Rouge… il appartenait, ainsi que le fief sur lequel il était, à M. Juchereau[1]. Un second moulin était sur le ruisseau

  1. Quelques années après 1647, il appartenait à Jean Juchereau, sieur de Maure. (Voir Journal des Jésuites, pp. 212, 263.)