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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

visites, il ne s’agit alors que de faire réchauffer les comestibles sur leurs poêles toujours chauds à faire rôtir un bœuf pendant cette époque de l’année ; les habitants détestent les viandes froides. C’est un vrai plaisir de voir nos Canadiennes, toujours si gaies, préparer ces repas improvisés : de les voir toujours sur un pied ou sur l’autre tout en fredonnant une chanson, ou se mêlant à la conversation, courir de la table qu’elles dressent, à leurs viandes qui menacent de brûler, et dans un tour de main remédier à tout ; de voir Josephte s’asseoir avec les convives, se lever vingt fois pendant le repas s’il est nécessaire pour les servir, chanter sa chanson, et finir par s’amuser autant que les autres. Tu me diras, sans doute, que ces viandes réchauffées perdent beaucoup de leur acabit ; d’accord pour nous qui sommes accoutumés à vivre d’une manière différente ; mais comme l’habitude est une seconde nature, les habitants n’y regardent pas de si près ; et comme leur goût n’est pas vicié comme le nôtre, je suis certain que leurs repas, arrosés de quelques coups d’eau-de-vie, ne leur laissent rien à envier du côté de la bonne chère. »

« À quelques égards, dit Kalm, les repas ne sont pas les mêmes en Canada que dans les provinces anglaises. Cela dépend peut-être de la différence des coutumes, des goûts et de la religion entre les deux nations. On fait en Canada trois repas par jour : le déjeûner, le dîner et le souper. Le déjeûner se prend entre sept et huit heures ; on est très matineux dans ce pays, à commencer par le gouverneur-général qui donne audience dès sept heures, à son lever. Les uns se contentent d’un morceau de pain trempé dans de l’eau-de-vie, d’autres commencent par le petit verre et mangent un croûton ensuite, ou avalent une tasse de chocolat, beaucoup de dames prennent du café. Il ne manque pas de gens qui ne déjeûnent qu’à midi. Je n’ai jamais vu faire usage de thé ici. Midi est l’heure du dîner, repas où l’on sert une grande variété de mets chez les gens de qualité et aussi chez les bourgeois, quand ils reçoivent des étrangers à leur table. Le pain, de forme ovale, est fait de farine de froment. Le couvert de chaque personne se compose d’une serviette, d’une cuillère et d’une fourchette. On donne des couteaux quelques fois, mais en général on les omet, chaque dame et monsieur ayant soin d’apporter son propre couteau. Les cuillères et les fourchettes sont en argent et les assiettes en porcelaine de Hollande. Le repas commence par une soupe, qui se mange avec beaucoup de pain, puis viennent les viandes fraîches de toutes sortes, bouillies et rôties, le gibier, les volailles fricassées ou en ragoûts, et diverses espèces de salades. On boit généralement du bordeaux, mêlé d’eau, au dîner. La bière d’épinette est aussi très en vogue. Les dames boivent de l’eau, rarement du vin. Après le dîner vient le dessert qui comprend une grande variété de fruits : des noix de France ou du Canada au naturel ou confites, des amandes, du raisin, des noisettes, plusieurs espèces de baies qui viennent à maturité dans la saison d’été, comme les groseilles et les gadelles, des atocas dans de la mêlasse, des conserves, en sucre, de fraises, de framboises, de mûres et d’autres fruits de ronces. Le fromage entre aussi dans le dessert, ainsi que le lait, que l’on prend, à la fin, avec du sucre. »

Parlant des repas, M. de Gaspé note les souvenirs de sa jeunesse : « Autrefois, le vin