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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Sur ce sujet, M. Rameau fait les observations qui suivent : « En réalité, les Français de la Nouvelle-France, quelques soient les préjugés à cet égard, l’emportaient sur leurs adversaires par leurs aptitudes physiques, par leur intelligence, par leur énergie et par leur habileté ; c’est là qu’est la solution commune des deux problèmes que nous avons posés plus haut ; voilà pourquoi la progression des Anglo-Américains se trouvait relativement inférieure à celle des Franco-Canadiens, et pourquoi ceux-ci, malgré leur faiblesse apparente, eurent constamment le dessus dans les guerres qu’ils soutinrent contre ceux-là. On enrôlait aussi et même on enlevait quelquefois des jeunes filles qui se vendaient très-bien en Virginie : en 1620, un premier convoi de quatre-vingt-dix jeunes filles, recrutées par un capitaine adroit et industrieux, fut vendu à raison de cent livres de tabac par tête ; un exemple si profitable fut promptement suivi, et l’année suivante une nouvelle cargaison atteignit les prix de cent cinquante livres de tabac par tête de fille… Il venait moins d’émigrants, il est vrai au Canada ; mais la population établie se multipliait plus régulièrement et plus vite ; cette lenteur dans le peuplement était sans aucun doute regrettable, surtout pour les intérêts français ; mais en se plaçant à un point de vue plus élevé, plus général, ce grand retard était moins préjudiciable que la précipitation inconsidérée des Anglais. Il en est ainsi, du reste, dans presque tous les progrès sociaux ; rien ne remplace l’influence du temps pour la qualité de l’œuvre, et mieux vaut encore une extrême lenteur qu’une extrême promptitude. »

Smith s’exprime ainsi en parlant des colonies anglaises : La bigoterie et la tyrannie de quelques-uns de nos gouverneurs, jointes à l’étendue des concessions qu’ils ont faites, n’ont pas moins nui à la population de cette province. Comme la plupart ne songeaient qu’à s’enrichir, ils accordaient, moyennant quelques petits cens, des patentes extravagantes à ceux qui pouvaient leur être utiles dans les assemblées ; et, comme ces impétrants étaient pour l’ordinaire fort riches, ils mettaient leurs terres à si hauts prix que personne ne voulait ni les acheter ni les affermer. On peut ajouter à cela que les colons de la Nouvelle-Angleterre ont toujours haï les Hollandais, ce qui a été cause qu’il n’en est plus venu depuis la reddition de la province. Cette disette d’habitants à tellement fait renchérir la main-d’œuvre, qu’on a été obligé de faire venir des nègres d’Afrique. »

Le Mississipi était presque inconnu des Anglais ; il formait de toutes manières un territoire français — et nos compatriotes avaient porté bien plus loin vers l’ouest leurs courses avec le prestige du nom canadien. Lorsqu’il fallut donner un successeur à M. de la Vérendrye (1750) l’ancien projet de parvenir à la mer de l’ouest par deux routes parallèles l’une à l’autre occupa de nouveau les autorités, malheureusement M. de la Galissonnière avait été remplacé (24 septembre 1749) par M. de la Jonquière. « L’intendant Bigot était alors en Canada ; il forma, pour faire la traite en même temps que des découvertes, une société composée du gouverneur et de lui-même, de M. M. Bréard contrôleur de la marine, Le Gardeur de Saint-Pierre, officier plein de bravoure et fort aimé des Indiens, et de Marin, capitaine, décrié par sa cruauté, mais redouté de ces peuples. Ces deux derniers furent chargés de l’œuvre double de l’association. Marin devait remonter le Missouri jusqu’à sa source et de là suivre