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L’ANCIEN RÉGIME


les plaines les perdrix, familiarisées avec l’homme, becqueter le grain tranquillement et ne point s’écarter quand il passe ». Joignez-y les capitaineries des princes jusqu’à Villers-Cotterets et Orléans ; cela fait, autour de Paris, un cercle presque continu, ayant trente lieues de rayon, où le gibier, protégé, remisé, multiplie, fourmille pour les plaisirs du roi. Le seul parc de Versailles est une enceinte close de plus de dix lieues. La forêt de Rambouillet comprend 25 000 arpents. On rencontre autour de Fontainebleau des bandes de soixante-dix à quatre-vingts cerfs. En lisant les carnets des chasses, il n’y a pas de vrai chasseur qui n’éprouve un mouvement d’envie. L’équipage du loup court toutes les semaines et prend 40 loups par an. De 1745 à 1774, Louis XV force 6 400 cerfs. Louis XVI écrit le 31 août 1781 : « Aujourd’hui tué 460 pièces ». En 1780, il abat 20 534 pièces ; en 1781, 20 291 ; en quatorze ans, 189 251 pièces, outre 1 254 cerfs ; les sangliers, les chevreuils, sont en proportion ; et notez que tout cela est sous sa main, puisque ses parcs confinent à ses maisons. — Tel est en effet le caractère d’une « maison montée », c’est-à-dire munie de ses dépendances et de ses services ; tout y est à portée : c’est un monde complet qui se suffit à lui-même. Une grande vie se rattache et rassemble autour d’elle, avec une prévoyance universelle et un détail minutieux, tous les appendices dont elle use ou dont elle pourrait user. — Ainsi chaque prince, chaque princesse a sa faculté, sa chapelle[1] ; il ne convient pas que l’aumônier

  1. Waroquier, t. I, passim. Maison de la reine chapelle 28 per-