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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


de longues marches, de résister aux intempéries, et tels sont les remplaçants qu’il accepte. Ils doivent être tous[1] « d’une santé forte, d’une constitution robuste », d’une taille suffisante ; de fait, étant plus pauvres que les remplacés, ils sont plus habitués aux privations et à la fatigue ; la plupart, ayant l’âge viril, valent mieux pour le service que des adolescents levés par anticipation et trop jeunes ; quelques-uns sont d’anciens soldats, et, dans ce cas, le remplaçant vaut deux fois le remplacé, conscrit tout neuf, qui n’a jamais porté le sac, ni bivouaqué en plein air.

En conséquence, sont admis à se faire remplacer « les réquisitionnaires[2] et les conscrits de toutes les classes,… qui ne pourraient supporter les fatigues de la guerre, et ceux qui seront reconnus plus utiles à l’État en continuant leurs travaux et leurs études qu’en faisant partie de l’armée ». Napoléon a trop d’esprit pour se laisser conduire par l’exigence aveugle des formules démocratiques ; ses yeux, qui voient les choses à travers les mots, ont remarqué tout de suite que, pour un jeune homme bien élevé et pour un paysan ou un manœuvre, la condition de simple soldat n’est pas égale, qu’un lit passable, un habillement complet, de bons souliers, la sécurité du pain quotidien, un morceau de viande à l’ordinaire, sont pour le second, mais non pour le premier, des nouveautés et, par suite, des jouissances ; que la promiscuité et l’odeur de la chambrée,

  1. Loi du 8 fructidor an XIII, article 51.
  2. Loi du 17 ventôse an VIII, titre III, article 1.