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LE PEUPLE


« doit trois années de taille ; mais, ce qui va toujours son train, ce sont les contraintes… Les receveurs des tailles et du fisc font chaque année des frais pour la moitié en sus des impositions… Un élu est venu dans le village où est ma maison de campagne, et a dit que cette paroisse devait être fort augmentée à la taille de cette année, qu’il y avait remarqué les paysans plus gras qu’ailleurs, qu’il avait vu sur le pas des portes des plumages de volaille, qu’on y faisait donc bonne chère, qu’on y était bien, etc. — Voilà ce qui décourage le paysan, voilà ce qui cause le malheur du royaume. » — « Dans la campagne où je suis, j’entends dire que le mariage et la peuplade y périssent absolument de tous côtés. Dans ma paroisse, qui à peu de feux, il y a plus de trente garçons ou filles qui sont parvenus à l’âge plus que nubile ; il ne se fait aucuns mariages, et il n’en est pas seulement question entre eux. On les excite, et ils répondent tous la même chose, que ce n’est pas la peine de faire des malheureux comme eux. Moi-même j’ai essayé de marier quelques filles en les assistant et j’y ai trouvé le même raisonnement comme si tous s’étaient donné le mot[1]. » — « Un de mes curés me mande qu’étant le plus vieux de la province de Touraine, il a vu bien des choses et d’excessives chertés de blé, mais qu’il ne se souvient pas d’une aussi grande misère (même en 1709) que celle de cette année-ci… Des seigneurs

  1. Marquis d’Argenson. 21 juin 1749, 22 mai 1750, 14 février, 19 mars, 15 avril 1751, etc.


  anc. rég. ii.
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