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LE PEUPLE


jours, pille tous les greniers publics, tous les magasins des communautés. — Jusqu’à la fin et au delà, en 1770 à Reims, en 1775 à Dijon, Versailles, Saint-Germain, Pontoise et Paris, en 1782 à Poitiers, en 1785 à Aix en Provence, en 1788 et 1789 à Paris et dans toute la France, vous verrez des explosions semblables[1]. — Sans doute, sous Louis XVI, le gouvernement s’adoucit, les intendants sont humains, l’administration s’améliore, la taille devient moins inégale, la corvée s’allège en se transformant, bref la misère est moindre. Et pourtant elle est encore au delà de ce que la nature humaine peut porter.

Parcourez les correspondances administratives des trente dernières années qui précédent la Révolution : cent indices vous révéleront une souffrance excessive, même lorsqu’elle ne se tourne pas en fureur. Visiblement, pour l’homme du peuple, paysan, artisan, ouvrier, qui subsiste par le travail de ses bras, la vie est précaire ; il a juste le peu qu’il faut pour ne pas mourir de faim, et plus d’une fois ce peu lui manque[2]. Ici, dans quatre élections, « les habitants ne vivent presque que de sarrasin », et depuis cinq ans les pommes avant manqué, ils n’ont que de l’eau pour boisson. Là, en pays de vignobles[3], chaque année « les vignerons

  1. Correspondance par Metra, I. 338. 341. — Hippeau, le Gouvernement de Normandie, IV, 62, 199, 358.
  2. Procès-verbaux de l’assemblée provinciale de Basse-Normandie (1787), 151.
  3. Archives nationales, G, 319, État de la direction d’Issoudun, et H 1149, H 612, H 1418.