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L’ANCIEN RÉGIME


« munautés les plus imposées est si rigoureux, qu’on a vu plusieurs fois les propriétaires en abandonner le territoire[1]. Qui ne se rappelle que les habitants de Saint-Sernin ont fait jusqu’à dix fois l’abandon de leurs biens et menaçaient encore de revenir à cette résolution affligeante, lorsqu’ils ont eu recours à l’administration ? On a vu il y a quelques années un abandon de la communauté de Boisse combiné entre les habitants, le seigneur et le décimateur de cette communauté ; » et la désertion serait bien plus grande encore, si la loi ne défendait à tous les taillables d’abandonner un fonds surchargé, à moins de renoncer en même temps à tout ce qu’ils possèdent dans la même communauté. — Dans le Soissonnais, au rapport de l’assemblée provinciale[2], « la misère est excessive ». Dans la Gascogne, « le spectacle est déchirant ». Aux environs de Toul, le cultivateur, après avoir payé l’impôt, la dîme et les redevances, reste les mains vides. « L’agriculture est un état d’angoisses et de privations continuelles où des milliers d’hommes sont obligés de végéter péniblement[3]. Dans tel village de Normandie, presque tous les habitants, sans en excepter les fermiers et les propriétaires, mangent du pain d’orge et boivent de l’eau, vivent comme les plus malheureux des hommes, afin de subvenir au

  1. Procès-verbaux de l’assemblée provinciale de la Haute-Guyenne, I, 47, 79.
  2. Procès-verbaux de l’assemblée provinciale du Soissonnais (1787), 457 ; de l’assemblée provinciale d’Auch. 24.
  3. Résumé des cahiers, par Prudhomme. III. 271.