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LA RÉVOLUTION


et il suit des bandits qui sont devenus ses camarades[1]. Ajoutez à cela les clameurs, l’ivrognerie, le spectacle de la destruction, le tressaillement physique de la machine nerveuse tendue au delà de ce qu’elle peut supporter, et vous comprendrez comment, du paysan, de l’ouvrier, du bourgeois, pacifiés et apprivoisés par une civilisation ancienne, on voit tout d’un coup sortir le barbare, bien pis, l’animal primitif, le singe grimaçant, sanguinaire et lubrique, qui tue en ricanant et gambade sur les dégâts qu’il fait. — Tel est le gouvernement effectif auquel la France est livrée, et, après dix-huit mois d’expérience, le plus compétent, le plus judicieux, le plus profond observateur de la Révolution ne trouvera rien à lui comparer que l’invasion de l’Empire Romain au quatrième siècle[2] : « Les Huns, les Hérules, les Vandales et les Goths ne viendront ni du Nord ni de la mer Noire : ils sont au milieu de nous ».

II

Lorsque, dans un édifice, la maîtresse poutre a fléchi, les craquements se suivent et se multiplient, et les

  1. Dusaulx, 374. « J’ai remarqué que, si parmi le peuple, peu de gens alors osaient le crime, plusieurs le voulaient, et que tout le monde le souffrait. » — Archives nationales, DXXIX, 3 (Lettre des officiers municipaux de Crémieu, Dauphiné, 3 novembre 1789). « L’attention qu’on avait eue de les faire débuter par les caves et de les enivrer peut seule faire concevoir les excès de rage inouïs auxquels ils se sont livrés dans le saccagement et l’incendie des châteaux. »
  2. Mercure de France, 14 janvier 1792 (Revue politique de l’année 1791, par Mallet du Pan).