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LA RÉVOLUTION


blements qui stationnent à la porte, et une clameur s’élève : « Ce sont des gueux, des coquins, des traîtres payés par la liste civile. Il faut les pendre, il faut les tuer. » — On leur jette de la boue, du mortier, des plâtras, des pierres, et on les bourre de coups de poing. Rue du Dauphin, M. Mézières est saisi au collet, et une femme lui porte un coup qu’il détourne. Rue Saint-Honoré, des gens en bonnet rouge environnent M. Regnault-Beaucaron, et décident « qu’on le mettra à la lanterne » : déjà un homme en veste l’avait empoigné par derrière et le soulevait, lorsque des grenadiers de Sainte-Opportune arrivent à temps pour le dégager. Rue Saint-Louis, M. Deuzy, frappé dans le dos et atteint de plusieurs cailloux, voit à deux reprises un sabre levé sur sa tête. Dans la galerie des Feuillants, M. Desbois est meurtri de coups, et on lui vole « une boîte, son portefeuille et sa canne ». Dans les couloirs de l’Assemblée, M. Girardin est sur le point d’être assassiné[1]. Huit autres députés

  1. Moniteur, 371. Discours de M. Girardin : « J’ai la certitude que la plupart de ceux qui m’insultaient étaient des étrangers. » — Ib, 370. Lettre de M. Froudières : « Un grand nombre de citoyens, sortant de leurs boutiques, s’écriaient : Comment peut-on insulter ainsi des députés ? Sauvez-vous, sauvez-vous ! » — M. Jolivet, qui, le même soir, est allé à la séance des Jacobine, déclare « que les tribunes des Jacobins étaient loin de partager ce délire ». Il a entendu « un particulier dans ces tribunes s’écrier, lorsqu’on proposait de mettre sur la liste la demeure des députés, que c’était une horreur ». — Quantité d’autres détails montrent le petit nombre et la qualité des factieux. — Ib., 374. Discours d’Aubert-Dubayet : « J’ai vu des hommes, revêtus de l’habit de garde national, qui avaient sur la physionomie tout ce que la scélératesse offre de plus horrible. » Il y a « un très grand nombre d’hommes malintentionnés parmi les fédérés ».