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LA RÉVOLUTION


horions sont des arguments[1]. — D’abord, après les massacres de septembre et dès l’ouverture des barrières, nombre de propriétaires et de rentiers, non seulement les suspects, mais ceux qui croyaient pouvoir l’être, se sont sauvés de Paris, et, pendant les mois qui suivent, l’émigration recommence avec le danger. Vers le mois de décembre, des listes ayant couru contre les anciens Feuillants, « on assure que, depuis huit jours, plus de quatorze mille personnes ont quitté la capitale[2] ». Au rapport du ministre lui-même[3], « beaucoup de personnes indépendantes par leur état et leur fortune abandonnent une ville où l’on ne parle chaque jour que de renouveler les proscriptions ». — « L’herbe croît dans les plus belles rues, écrit un député, et le silence des tombeaux règne dans les Thébaïdes du faubourg Saint-Germain. » — Quant aux modérés qui restent, ils se

  1. Schmidt, I, 328 (Perrière, 28 mai) : « Les hommes d’esprit et les propriétaires ont cédé aux autres les assemblées de section, comme des lieux où la poigne de l’ouvrier triomphe de la langue de l’orateur. » — Moniteur, XV, 114, séance du 11 janvier. Discours de Buzot : « Il n’y a pas un seul homme ayant quelque chose, en cette ville, qui ne craigne d’être insulté, d’être frappé dans sa section, s’il ose élever la voix contre les dominateurs… Les assemblées permanentes de Paris sont composées d’un petit nombre d’hommes qui sont parvenus à en éloigner le reste des citoyens. » — Schmidt, I, 325 (Dutard, 28 mai) : « Une seconde mesure serait de faire exercer les jeunes gens au jeu de bâton. Il faut être sans-culotte, vivre avec les sans-culottes, pour déterrer des expédients de ce genre. Il n’est rien que les sans-culottes craignent tant que le bâton. Dernièrement, il y avait des jeunes gens qui en portaient dans leurs pantalons ; tout le monde tremblait en les regardant. Je voudrais que la mode en devint générale. »
  2. Moniteur, XV, 95. Lettre de Charles de Villette, député.
  3. Ib., XV, 179. Lettre de Roland, 11 janvier 1793.