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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« moyen efficace pour arrêter le poignard des assassins[1] ? » — Le brasier populaire est allumé ; à présent c’est aux entrepreneurs d’incendie public à conduire la flamme.

III

Il y a longtemps qu’ils soufflent dessus. Déjà le 11 août, dans une proclamation[2], la nouvelle Commune annonçait que « tous les coupables allaient périr sur l’échafaud », et c’est elle qui, par ses députations menaçantes, a imposé à l’Assemblée nationale l’institution immédiate d’un tribunal de sang. Portée au pouvoir par la force brutale, elle périt si elle ne s’y maintient, et elle ne peut s’y maintenir que par la terreur. — En effet, considérez un instant cette situation extraordinaire. Installés à l’Hôtel de Ville par un coup de main nocturne, une centaine d’inconnus, délégués par un parti et qui se croient ou se disent les délégués du peuple, ont renversé l’un des deux grands pouvoirs de l’État, mutilé et asservi l’autre, et règnent dans une capitale de

  1. Moore, 3 septembre. — Buchez et Roux, XVI, 159. (Récit de Tallien.) — Procès-verbaux de la Commune de Paris, 4 septembre. (Dans la collection de Barrière et Berville, volume intitulé Mémoires sur les journées de septembre.) La Commune adopte et grossit la fable qu’elle a peut-être inventée. — Prudhomme remarque très bien que la légende du complot des prisons, si grossièrement exploitée sous la Terreur, apparaît pour la première fois au 2 septembre. Le même bruit fut répandu dans les campagnes. Près de Gennevilliers, un paysan, tout en déplorant les massacres, disait à Malouet : « Aussi, c’est bien terrible que les aristocrates voulussent tuer tout le peuple en faisant sauter la ville. « (Malouet, II, 244.)
  2. Procès-verbaux de la Commune, 11 août.