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LA RÉVOLUTION


part veuves, les dernières berlines ou voitures de maître qu’il y ait encore à Paris[1]. — Avec de tels pouvoirs ainsi maniée, la section exploite l’envie enracinée et l’antique animosité du pauvre contre le riche[2] ; elle s’attache à demeure les nécessiteux et les vagabonds, et, grâce aux bras vigoureux de sa clientèle active, elle achève de briser les résistances débiles, passagères, mal concertées que la Convention nationale et la population parisienne opposent encore à sa domination.

Le 13 avril, Marat, accusé depuis trois mois et de jour en jour plus audacieusement incendiaire, a été enfin décrété d’accusation par la majorité indignée[3], et, le 24, il comparaît devant le tribunal révolutionnaire. Mais le tribunal révolutionnaire, comme tous les corps nouvellement institués, est composé de Jacobins purs, et d’ailleurs le parti a pris ses précautions. Pour cortège à l’audience, Marat a « les commissaires municipaux, les envoyés de plusieurs sections, les délégués de toutes les sociétés patriotiques » ; en outre, « une

  1. Archives nationales, F7, 2494, section de la Réunion, procès-verbaux des 15 et 16 mai. — Buchez et Roux, XXX, 167, arrêté de la Commune, 27 mars.
  2. Schmidt, I, 527. Rapport de Perrière, 28 mai : « Notre groupe lui-même paraissait n’obéir qu’à cette antique haine du pauvre contre le riche. Il faudrait être bien inapte observateur pour ne pas s’apercevoir, à mille symptômes, que ces deux ennemis naturels sont rangés en bataille et n’attendent plus que le signal ou l’occasion. »
  3. Buchez et Roux, XXV, 460. Les écrits visés par l’accusation sont les numéros du 5 janvier er du 25 février du journal de Marat. La pièce qui provoque le décret est son Adresse à la convention nationale ; Ib., 446 et 450.