Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 6, 1904.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
LA RÉVOLUTION


fois plus nombreuse[1], qu’on a convoquée « pour donner à l’entreprise de quatre ou cinq mille bandits l’apparence d’un mouvement populaire », ne peut venir au secours de la Convention ; on l’a reléguée hors de la portée, au delà du pont Tournant, qui est levé, derrière la barrière en bois qui sépare le Carrousel du château. Enchaînée à ses postes par la consigne, réduite à l’état de décor immobile, employée à son insu[2] contre elle-même, elle ne peut que laisser faire les factions qui lui servent d’avant-garde. — Dès le matin, les vestibules, les escaliers et les couloirs de la Convention ont été envahis par les habitués des tribunes et par les femmes soldées ; des « hommes à moustaches », armés de sabres et de pistolets, ont consigné le commandant du poste avec ses officiers ; la garde légale a été remplacée par une garde extraordinaire[3], et les députés sont prisonniers. Si quelqu’un d’entre eux est obligé de sortir pour un instant, c’est sous la surveillance de quatre fusiliers qui le conduisent, l’attendent et le ramènent[4] ». D’autres, ayant voulu regarder par les fenêtres, sont

  1. Lanjuinais dit 100 000 hommes. Meillan 80 000 ; les députés de la Somme disent 60 000, mais sans aucune preuve. D’après divers indices, je crois le chiffre beaucoup moindre, à cause du désarmement et des abstentions ; il est peut-être de 30 000 hommes, comme au 31 mai.
  2. Mortimer-Ternaux, VII, 566. Lettre du député Loiseau : « Je parcourus tout un bataillon ; tous les soldats me dirent qu’ils ignoraient la cause de ce mouvement, qu’elle n’était connue que de leurs chefs. » (1er  juin).
  3. Buchez et Roux, XXVII, 400, séance de la Convention, 2 juin. — XXVIII, 43. Compte rendu de Saladin.
  4. Mortimer-Ternaux, VII, 592. Procès-verbal de la Société des Jacobins, 2 juin : « Les députés étaient entourés au point qu’ils ne