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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


curieux du quartier pour les « amuser », pour leur donner part « à la bonne fête[1] ». Des bancs sont disposés pour « les messieurs », et d’autres pour « les dames » : celles-ci, plus curieuses, veulent en outre contempler à leur aise « les aristocrates » déjà tués : en conséquence, on requiert des lampions et on en pose un sur chaque cadavre. — Cependant la boucherie continue et se perfectionne. À l’Abbaye[2], « un tueur se plaint de ce que les aristocrates meurent trop vite et de ce que les premiers ont seuls le plaisir de les frapper » ; désormais on ne les frappera plus qu’avec le dos des sabres, et on les fera courir entre deux haies d’égorgeurs, comme jadis le soldat qui passait par les baguettes. S’il s’agit d’un homme connu, on s’entend encore plus soigneusement pour prolonger son supplice. À la Force, les fédérés qui viennent prendre M. de Rulhières jurent avec « d’affreux serments de couper la tête à celui d’entre eux qui lui donnera un coup de pointe » ; au préalable, ils le mettent nu, puis, pendant une demi-heure, à coups de plat de sabre, ils le déchiquettent tout ruisselant de sang et le « dépouillent jusqu’aux entrailles ». — Tous les monstres qui rampaient enchaînés dans les bas-fonds du cœur sortent à la fois de la caverne humaine, non seulement les instincts

    témoigner beaucoup d’immoralité, ajoutant qu’on joua du violon devant lui et que son collègue dansa. » — Sicard, 88.

  1. Sicard, 87, 91. Ce mot est d’un marchand de vin qui demande « la pratique » des égorgeurs. — Granier de Cassagnac, II, 197-200. Les comptes du vin, de la paille et des lampions ont été retrouvés en original.
  2. Sicard, 91. — Maton de la Varenne, 150.