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LA RÉVOLUTION


nité, à la discipline, à la frugalité, aux bonnes mœurs, à l’amour de la patrie et à la haine des rois ». Nous parquons ces trois ou quatre mille jeunes gens aux Sablons, « dans une enceinte de palissades dont les intervalles sont garnis de chevaux de frise et de sentinelles[1] ». Nous les logeons sous la tente ; nous les nourrissons de pain noir, de lard rance et d’eau vinaigrée ; nous les exerçons au maniement des armes ; nous les faisons parader dans les fêtes nationales ; nous les échauffons par des harangues patriotiques. — Supposez tous les Français sortis d’une école semblable ; les habitudes acquises par l’adolescent persisteront dans l’adulte, et l’on trouvera dans chaque adulte la sobriété, l’énergie, le patriotisme d’un Spartiate ou d’un Romain.

Déjà, sous la pression de nos décrets, le civisme entre dans les mœurs, et des signes manifestes annoncent de toutes parts la régénération publique. « Le peuple français, dit Robespierre[2], semble avoir devancé de deux mille ans le reste de l’espèce humaine ; on serait même tenté de le regarder, au milieu d’elle, comme une espèce différente. En Europe, un laboureur, un artisan est un animal dressé pour les plaisirs d’un noble ; en France, les nobles essayent de se transformer en laboureurs et en artisans, et ne peuvent pas même obtenir cet honneur. » Par degrés, toutes les pratiques de la vie courante prennent le tour démo-

  1. Langlois, Souvenirs de l’École de Mars.
  2. Buchez et Roux, XXXII, 355 (Rapport de Robespierre, 18 floréal an II).