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LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


pour les introduire dans toutes les réunions effervescentes, pour veiller à ce que leur patriotisme surchauffé prenne vite la teinte du jacobinisme parisien[1]. — Défense aux théâtres d’offenser leurs yeux et leurs oreilles par la représentation de pièces « contraires à l’esprit de la Révolution[2] ». Ordre de jouer trois fois par semaine « des tragédies républicaines, telles que Brutus, Guillaume Tell, Caïus Gracchus, et autres pièces dramatiques propres à entretenir les principes d’égalité et de liberté ». Une fois par semaine, les représentations sont gratuites, et les alexandrins de Marie Chénier ronflent sur la scène, pour édifier les délégués qui s’entassent dans les loges aux frais de l’État. — Le lendemain, conduits par troupeaux dans les tribunes de la Convention[3], ils retrouvent la même tragédie, classique et simple, déclamatoire et meurtrière ; seulement celle-ci n’est pas feinte, mais réelle, et les tirades qu’on y débite sont en prose au lieu d’être en vers. Entourés de clabaudeurs soldés comme les Romains du lustre, nos provinciaux applaudissent, crient et

  1. Archives des affaires étrangères, tome 1411 (Rapports des agents, du 10 au 11 août), « C’est aujourd’hui, parmi les citoyens, à qui pourra avoir un commissaire à sa table ; c’est à qui le traitera le mieux… Les commissaires des assemblées primaires viennent fraterniser au sein de la Société des Jacobins ; ils en adoptent les maximes, et sont entraînés par l’énergie des bons et vrais sans-culottes républicains de cette Société. »
  2. Moniteur, XVII, 307 et 308 (Rapport de Couthon à la Convention, 2 août). — « Vous blesseriez, vous outrageriez ces républicains, si vous souffriez qu’on continuât à jouer en leur présence une infinité de pièces remplies d’allusions injurieuses à la liberté. »
  3. Moniteur, XVII, 324 (séance du 5 août).