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LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


France avait tant besoin contre l’étranger, et cela au moment où l’étranger prenait Valenciennes[1] et Mayence, où trente mille royalistes se levaient dans la Lozère, où la grande armée vendéenne assiégeait Nantes, où chaque nouveau foyer d’incendie menaçait de rejoindre la frontière en feu[2] et l’incendie permanent des contrées catholiques. — Avec un seau d’eau froide jeté à propos, la Montagne pouvait éteindre la flamme qu’elle avait allumée dans les grandes cités républicaines ; sinon, il ne lui restait qu’à la laisser grandir, à l’attiser de ses propres mains, au risque d’embraser la patrie, sans autre espoir que d’étouffer l’incendie sous un monceau de ruines, sans autre but que de régner sur des vaincus, sur des captifs et sur des morts.

Mais justement, tel est le but du jacobin ; car il ne se contente pas à moins d’une soumission sans limites ; il veut régner à tout prix, à discrétion, n’importe par quels moyens, n’importe sur quels débris. Despote par instinct et par institution, son dogme l’a sacré roi ; il l’est de droit naturel et divin, comme un Philippe II d’Espagne, béni par son saint-office. C’est pourquoi il ne peut abandonner la moindre parcelle de son autorité,

  1. Archives des affaires étrangères, tome 329 (lettre de Chépy, agent politique, Grenoble, 26 juillet 1793) : « Je le dis sans hésiter : j’aime mieux réduire Lyon que de sauver Valenciennes. »
  2. Ib., tome 329 (lettre de Chépy, Grenoble, 24 août 1793) : « Les Piémontais sont maîtres de Cluse. Un grand nombre de montagnards se sont joints à eux. À Annecy, les femmes ont coupé l’arbre de la liberté et brûlé les archives du club et de la commune. À Chambéry, le peuple en a voulu faire autant ; mais on a fait prendre les armes aux malades de l’hôpital et on l’a contenu. »