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LA RÉVOLUTION


d’hui. On n’y était point en butte à la méfiance et à l’hostilité démocratiques ; on était sûr d’être salué dans la rue par l’ouvrier, comme à la campagne par le paysan. Avec la bourgeoisie du lieu, on se trouvait parmi les siens, presque en famille, et l’un des premiers ; on pouvait compter que l’on passerait sa vie à poste fixe, honorablement, doucement, au sein de la déférence populaire et du bon vouloir public. — D’autre part, on était moins bridé que de nos jours. Un prêtre n’était point un fonctionnaire salarié par l’État ; pareils à un revenu privé, ses appointements, mis à part et d’avance, fournis par des biens réservés, par la dîme locale, par une caisse distincte, ne pouvaient jamais lui être retirés sur le rapport d’un préfet, par le caprice d’un ministre, ni menacés incessamment par les embarras du budget et par la mauvaise volonté des pouvoirs civils. Vis-à-vis de ses supérieurs ecclésiastiques, il était respectueux, mais indépendant. L’évêque n’était point dans son diocèse ce qu’il est devenu depuis le Concordat, un souverain absolu, libre de nommer et maître de destituer à son gré neuf curés sur dix. Dans trois vacances sur quatre, parfois dans quatorze vacances sur quinze[1], ce n’était pas lui qui choisissait ; le nouveau titulaire était désigné, tantôt par le chapitre cathédral en corps, tantôt par une collégiale en corps, tantôt par le seigneur dont les ancêtres avaient fondé ou doté l’église, en certains cas par le pape, quel-

  1. La Révolution, tome III, 278. — Cf. Émile Ollivier, l’Église et l’État au concile du Vatican, I, 134 ; II, 516.