Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/150

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main il envoya sur cela des vers à mademoiselle de Toucy, où il lui disoit que mademoiselle de Beuvron, qui est aujourd’hui madame d’Arpajon, sa rivale en beauté, avoit par son crédit, comme fille du gouverneur du vieux Palais, empêché que le Chapitre fît cette galanterie, dans l’espoir que ses appas en diminueroient. Les chanoines furent assez sots pour se mettre en colère contre Bois-Robert. Il fut interdit ; il en appela comme d’abus ; enfin on fit entendre au Chapitre qu’il se tournoit en ridicule, et l’interdiction fut levée.

Il raconte que de ce temps-là on s’avisa de jouer dans un quartier de Rouen une tragédie de la Mort d’Abel. Une femme vint prier que son fils en fût, et qu’elle fourniroit ce qu’on voudroit. Tous les personnages étoient donnés, cependant les offres étaient grandes ; on s’avisa de lui donner le personnage du sang d’Abel. On le mit dans un porte-manteau de satin rouge cramoisi, on le rouloit de derrière le théâtre, et il crioit : Vengeance, vengeance.

Il conte encore qu’ayant fait un voyage à Rome, et ayant salué jusqu’à se prosterner un certain cardinal Scaglia, qui ne lui rendit point son salut, il crut qu’il y alloit de l’honneur de la nation, surtout ayant deux estafiers après lui. La première fois donc qu’il rencontra le cardinal, il enfonça son chapeau et le regarda effrontément entre les deux yeux sans le saluer. Le cardinal en colère fait courir après lui : il se sauve dans une église. Le cardinal s’excusoit sur sa mauvaise vue pour la première fois, et disoit qu’à la deuxième quel coglion l’havea vituperato. Il fallut capituler, et il en fut quitte pour saluer à l’avenir le cardinal fort humblement.