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voit passer. Partout on lui rendoit mille honneurs, et enfin il fut obligé de passer incognito.

J’ai dit ailleurs que ce fut lui qui tua le maréchal d’Ancre. Lauzières, cadet de Themines, disoit tout haut, parlant du maréchal de Vitry : « Ne me donnera-t-on jamais personne à assassiner traîtreusement et méchamment pour me faire après maréchal de France ? »

La grande fortune des deux frères vient de cette belle action, car, sans parler de l’aîné, M. de L’Hôpital a gagné à la cour quarante mille écus de rente. Sa femme, à la vérité, avoit quelque chose. Il a eu plusieurs emplois ; il a été gouverneur de Bresse et de Lorraine, ensuite commandé de petites armées avant que d’être maréchal de France. C’est un homme d’humeur douce, sévère à ceux qui s’en font accroire, et qui a empêché le désordre quand il a eu l’autorité. Il est d’une conversation médiocre, et il conte naïvement ce qu’il a vu et ce qui lui est arrivé, comme quand il dit que les gens du poil (roux) dont il avoit été en sa jeunesse avoient de l’avantage quand ils vieillissoient. C’est un vieillard qui n’a pas mauvaise mine ; mais il ne l’a pas fort relevée, et c’est un génie assez médiocre pour toutes choses, mais pitoyable sur le chapitre de l’amour.

Il a été fou d’une certaine madame de Vilaine, vilaine de nom et d’effet, et jusque-là que trois ou quatre jeunes gens de la cour ayant, par folie, gagé à qui en feroit le plus en une nuit, après avoir pris des drogues pour cela, on dit que ce fut elle qui leur servit de quintaine. Il en mourut deux, je pense, et les autres furent bien malades.