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Il fut comme accordé avec une sœur du maréchal d’Aumont d’aujourd’hui, veuve de M. de Sceaux[1], secrétaire d’État, belle, jeune, et qui avoit cent mille écus et un douaire de huit mille livres par an. Il n’y avoit plus qu’à signer ; il y alloit, quand il trouva madame de Vilaine en chemin, qui, l’appelant infidèle Birène[2], le fit revenir, et il s’envoya excuser. Cette veuve épousa depuis le comte de Lannoi[3], et leur fille a été la première femme de M. d’Elbeuf[4] d’aujourd’hui. Cette madame de Vilaine le posséda encore trois ans. Cette femme devint grosse durant l’exil de son mari, car il fut relégué à Raguse. Pour couvrir cela, elle fit le voyage, et ne revint qu’après être accouchée. On ne disputa point l’état de son fils. C’est ce fou de marquis de Vilaine que nous voyons partout. Ce n’est pas le vrai Vilaine du pays du Maine ; ils sont de la ville, mais de famille ancienne : le père avoit été de quelque cabale. Pour l’accompagner à Raguse, elle mena avec elle un Italien nommé Benaglia, commis de M. Lumagne. Ce garçon, qui n’avoit vu père ni mère depuis vingt-cinq ans, passa aux portes de leur ville sans y entrer, disant que ce n’étoit pas pour cela qu’il étoit venu en Italie. On conte de lui que quand on le menoit pour deux mois aux champs, il portoit soixante

  1. Anne d’Aumont, veuve d’Antoine Potier, seigneur de Sceaux.
  2. Allusion à la princesse Olympie, abandonnée par Birène sur une plage déserte. (Orlando furioso, canto 10.)
  3. Charles, comte de Lannoi, conseiller d’État, premier maître-d’hôtel du Roi, gouverneur de Montreuil, mourut en 1649.
  4. Charles de Lorraine, duc d’Elbeuf, épousa, en 1648, Anne Élizabeth, comtesse de Lannoy, veuve de Henri Roger Du Plessis, comte de La Roche-Guyon. Il la perdit le 3 octobre 1654.