Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/233

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— C’est donc vrai, tout cela ? lui demandai-je. Mais pourquoi le Dieu-Bon lui-même n’a-t-il point paru devant le grand Albert ? pourquoi lui a-t-il envoyé des messagers pour lui remettre la pierre ?

— Remarque, mon enfant, que notre suprême grand-maître n’avait pas imploré le Dieu-Bon de paraître en personne. Il l’appelait alors Jupiter, et son respect était si profond qu’il n’eût osé désirer se trouver face à face avec lui… Qu’a-t-il demandé au Tout-Puissant, dans sa sublime inspiration et son énergique volonté de Mage ? Il a demandé que les rochers s’entr’ouvrissent et que Coré, Dathan et Abiron parussent. Le Dieu-Bon l’a exaucé. Il aimait le Père Céleste, mais en même temps il le craignait, comme on doit l’aimer et le craindre, chère enfant.

— Moi, je l’aime de toute mon âme ; mais je n’en ai pas peur. Oh ! que voudrais le voir ! Il y a tant de choses que j’aurais à lui dire !… Dis, mon oncle, puisque tu l’as vu, toi, prie-le de venir ici, pour recevoir l’hommage de sa petite Diana.

— Non, ce n’est pas encore le temps ; il faut que tu t’améliores, que tu aies toutes les dispositions requises qui ont été spécialement fixées… Car, chère enfant, toi aussi, tu es prédestinée ; tu as une mission toute particulière à remplir, elle t’a été enseignée avant même que tu vinsses au monde.

— Il me faudra donc beaucoup attendre ?…

— Cela ne dépend aucunement de nous. Plus tard, tu sauras. Aie patience, et instruis-toi bien. Voilà qui importe surtout, pendant que tu es en âge d’apprendre.

— Alors, quand je serai savante, je pourrai demander au Dieu-Bon de se manifester à moi ?

— Quand tu seras très savante, oui, mais en étant également disposée à obéir à ses volontés.

— Puisqu’il est le Dieu-Bon, il ne m’ordonnera pas de mal faire !

— Certainement. Mais c’est seulement quand tu seras tout-à-fait instruite, que tu comprendras combien ses œuvres et ses volontés ont toujours le bien pour but et pour résultat.

— Et cela peut-il être bien, quelquefois, de tuer quelqu’un, comme Caïn qui tua Abel ?

— Sans autre doute, parfois, il est nécessaire qu’un mauvais homme soit supprimé. Puisque Philalèthe a écrit que le nom de Caïn doit être prononcé avec amour, c’est que, dans la querelle entre Caïn et Abel, c’est Caïn qui avait raison. La loi ordonne de tuer tous les méchants ; le bourreau pend ou guillotine les méchants que la loi condamne.

— Mais Abel n’avait été condamné par personne !