Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/83

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ils me prient de recommencer. Je ne reproduirai pas leurs éloges ; sans doute, leur amitié s’exagérait la valeur de cette composition.

— Comment l’appellerez-vous ? me demandent-ils.

Hymne à Jeanne d’Arc, tout simplement ; mais ce sera aussi l’hymne contre la franc-maçonnerie… Je sens ce qu’il faut encore y mettre… Vous verrez… Aujourd’hui, ce qui est composé me suffit ; mais il serait bon d’y ajouter un chœur, un chœur à quatre ou cinq parties, produisant un bel effet d’ensemble, un chœur où toutes les masses vocales clameront la gloire de Jeanne, sa victoire, son triomphe.

Je me rendis aussitôt à ma chambre, où je notai ce qui était fait. Je me proposai de composer le chœur le lendemain, ainsi que deux ou trois autres couplets ; mais ma journée du 16 fut prise par divers entretiens avec la supérieure, avec la religieuse mon amie, et surtout avec M. l’aumônier.

Le samedi, toute ma pensée se porta sur les malades qui, de Paris, partaient ce même jour pour Lourdes, pleins de confiance en Marie. Il me semblait les voir. M. l’aumônier, qui a assisté à plusieurs pèlerinages, me fit le tableau de l’émouvant départ du « train blanc ».

Oh ! j’aurais bien voulu aller à Lourdes, moi aussi, accompagner les pauvres malades ; mais cela n’eut pas été prudent. J’ai sagement agi en m’éloignant. Il m’a été communiqué que la Sophia avait envoyé, à la gare d’Orléans, en espionnage, l’Épi-d’Or (S ▽ 1408), en compagnie d’un F ▽ brésilien ; ils réussirent, paraît-il, à se faufiler sur les quais et inspectèrent plusieurs trains de pèlerins, pour voir si je n’étais pas là. Que voilà bien du temps perdu ! On devrait savoir, pourtant, dans tes triangles, que je n’ai aucune illusion sur ce qui m’attend, au cas où ma piste viendrait à être retrouvée. Si j’ai quitté ma retraite pour faire un séjour au couvent, c’est tout-à-fait exceptionnel, c’est parce que ma sortie a pu s’effectuer, à l’improviste, par un voyage que nul ne pouvait attendre et que le but en était aussi inconnu que le départ ; j’ajouterai même que j’aurais renoncé à ce voyage, si dans l’itinéraire j’avais eu l’obligation de traverser Paris.

À Lourdes, oui, j’irai, plus tard, incognito, avec bonne compagnie catholique ; le projet en a été formé, de concert avec M. l’aumônier, et j’aurai grand choix de personnes amies des chères religieuses, et cela pourra se faire sans que nul autre que l’aumônier sache qui je suis : mais encore, pour exécuter ce projet, j’attendrai que le danger soit écarté, ou tout au moins que les colères soulevées par ma conversion se soient apaisées.