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et dont il serait déloyal de ne prendre qu’un seul mot, est concluant pour établir que Joseph fut uniquement le père-nourricier de Jésus.

Ce n’était donc pas de là que venait mon trouble.

Sans la moindre hésitation, je me disais que rien n’est plus compréhensible que l’incarnation du Messie, fils de Dieu, par l’opération directe et, par conséquent, toute pure du Saint-Esprit. Tout ce que Dieu veut, il le peut ; sans quoi, il ne serait pas Dieu. Or, Dieu ayant voulu naître d’une femme choisie entre toutes, née immaculée, il est évident qu’il s’est incarné lui-même, Marie recevant en elle le Saint-Esprit ; mystère inexplicable au grossier jugement humain, mais éclatant de logique au sentiment élevé de l’âme pieuse.

Or, voici ce qui me troublait :

Il me semblait impossible d’admettre intégralement l’Évangile et de ne pas voir des contradictions au sujet de la généalogie du Christ.

Je me disais : — Dieu a promis à Abraham que le Messie naîtrait dans sa race ; il a renouvelé à David cette promesse. D’autre part, saint Matthieu établit, avec le soin le plus minutieux, toute cette descendance depuis Abraham jusqu’à Joseph. Donc, Joseph est humainement le père de Jésus ; sinon, Dieu aurait failli à sa promesse, ce qui ne se peut.

Ajoutez à cela que, croyant voir une contradiction, quant à la généalogie, entre saint Matthieu et saint Luc, je négligeais le tableau de descendance dressé par celui-ci.

Et voyez la perfidie de Satan. C’est lui qui me soufflait cette pensée : — Tu ne saurais trop honorer saint Joseph ; il est l’égal de Marie devant la crèche de l’enfant Jésus ; il est le père du divin Rédempteur, comme Marie est sa mère.

En effet, sous cette impression, je vouais à saint une vénération sans bornes. Cette vénération devenait, peu à peu, telle que je me gardai bien d’y faire la moindre allusion dans ces Mémoires ; car je comprenais que cela ferait soupçonner le secret de mon cœur, et j’aurais ainsi contristé les catholiques, chez qui j’arrivais.

Satan, furieux de ma sortie du Palladisme, essayait de regagner la partie en me suggérant, sous couleur de piété nouvelle envers saint Joseph, une hérésie des plus monstrueuses. Ah ! il ne voulait pas que je crusse à la virginité de la Mère de Dieu ! Voilà bien quel était son but. Il savait qu’il n’y parviendrait pas en me murmurant les infamies voltairiennes ; car je respectais, je vénérais, j’aimais Marie comme la meilleure des mères, comme la plus sainte des femmes. Alors, il me poussait au doute en exagérant ma dévotion à saint Joseph, en en faisant à mes yeux l’égal de Marie sur la terre et dans le ciel.