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LES
DEUX PARADIS
D’
ABD-ER-RHAMAN


I

Rien n’est plus triste que certains jours d’hiver dans la montagne algérienne. A Constantine, il est des moments où l’on pourrait se croire dans les pays du Nord. Les rues sont noires et l’atmosphère pâle ; on a autour de soi le brouillard et sous ses pieds la boue ; on patauge et on grelotte. Mille choses pourtant vous rappellent que vous êtes en Afrique : des burnous blancs circulent, accompagnés parfois d’un parapluie vert ; des indigènes, plus soucieux de leur chaussure que de leur personne, marchent pieds nus, avec leurs sandales à la main ; des Kabyles, juchés sur leurs mulets, vous crient « Bâlek ! » d’une voix ennuyée ; çà et là, un troupeau de chèvres, guidé par un vieillard biblique, défile avec lenteur devant les cafés où les Roumis s’absinthent, protégés par les portes bien closes ; et là-haut, sur le minaret dont la partie supérieure se perd dans la brume blanche, un muezzin qu’on ne voit pas hurle mélancoliquement aux quatre coins de l’horizon…