Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/225

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Des exilés de Syracuse, qui étaient à leur suite, leur en indiquèrent un près d’Olympium, dont ils s’emparèrent en effet. Voici le stratagème que les généraux imaginèrent pour exécuter ce qu’ils avaient résolu. Ils firent partir un homme qui leur était affidé, et qui ne paraissait pas moins attaché aux généraux de Syracuse : il était de Cartane. Il dit à ces derniers qu’il venait de la part de quelques citoyens de cette république, dont ils savaient les noms, et qu’ils connaissaient pour des restes de ceux qui, dans cette ville, avaient été de leur faction. Il leur rapporta que les Athéniens y passaient la nuit loin de leur camp ; que s’ils voulaient, au jour indiqué, arriver avec l’aurore, ces citoyens retiendraient ceux qui seraient dans la ville, et mettraient le feu aux vaisseaux, tandis qu’eux-mêmes se rendraient sans peine maîtres du camp, en attaquant les palissades ; qu’un grand nombre de Catanéens soutiendraient cette opération, et que ceux qui l’avaient fait partir étaient prêts à la seconder.

LXV. Comme les généraux syracusains étaient d’ailleurs pleins de confiance, et que même, sans cet avis, leur dessein était de se disposer à marcher contre Catane, ils ajoutèrent foi très légèrement à ce que leur disait cet homme, et prenant jour aussitôt pour l’exécution, ils le renvoyèrent. Déjà étaient arrivés plusieurs des alliés, et entre autres, ceux de Sélinonte ; l’ordre fut donné à tous les Syracusains de sortir. Toutes les dispositions faites, à l’approche du jour dont on était convenu, ils se mirent en marche pour Catane et campèrent près du fleuve Simœthe, dans les campagnes de Léontium. Instruits de leur départ, les Athéniens et tout ce qui se trouvait avec eux de Sicules ou d’autres Siciliens[1] montèrent leurs vaisseaux et leurs petits bâtimens, et firent voile pendant la nuit pour Syracuse. Ils descendirent, au lever de l’aurore, près d’Olympium pour y établir leur camp. En même temps les cavaliers syracusains, arrivés les premiers à Catane, reconnurent que toute l’armée était embarquée, et en firent porter la nouvelle à l’infanterie. Tous revinrent sur leurs pas pour secourir Syracuse.

LXVI. Comme ils avaient beaucoup de chemin à faire, les Athéniens assirent à loisir leur camp. Il les rendait maîtres, par sa situation, d’attaquer quand ils le voudraient, et la cavalerie ennemie ne pourrait les incommoder ni pendant l’action ni avant qu’on en fût aux mains. D’un côté, ils étaient protégés par des murailles, des édifices, des bois, un étang ; de l’autre, par des précipices. Ils coupèrent des arbres dans les forêts voisines, les portèrent sur le bord de la mer et plantèrent des palissades auprès de leur flotte et à Dascon. Du côté que les ennemis pouvaient franchir plus aisément, ils élevèrent à la hâte des fortifications en pierres brutes et en bois, et rompirent le pont de l’Anapus. Personne, tant qu’ils furent occupés de ces travaux, ne sortit de la ville pour y mettre obstacle. Enfin la cavalerie arriva la première pour porter contre eux des secours, et toute l’infanterie se trouva bientôt après rassemblée en leur présence. Ces troupes s’avancèrent d’abord tout près du camp des Athéniens ; mais comme on ne sortit pas au-devant d’elles, elles firent leur retraite, passèrent le chemin d’Hélore et se retranchèrent.

LXV1I. Le lendemain, les Athéniens et leurs alliés se mirent en ordre de bataille. Voici quelle était leur disposition. Les Argiens et les Mantinéens avaient l’aile droite ; les Athéniens, le centre ; et le reste des alliés, l’autre aile. La moitié, placée en avant, était sur huit de hauteur ; l’autre moitié, placée près des tentes, était rangée en quarré long, aussi sur une hauteur de huit hommes, avec ordre d’observer où l’armée souffrirait, pour y apporter du renfort. Les valets étaient au milieu de cette division. Les généraux de Syracuse rangèrent, sur seize hommes de hauteur, les hoplites composés de Syracusains, sans distinction de dignités ni d’âge, et ce qu’ils avaient d’alliés. Ceux qui étaient venus à leur secours étaient surtout les habitans de Sélinonte, et ensuite la cavalerie de Géla, au nombre en tout de deux cents hommes. Ils avaient environ vingt cavaliers et trente archers de Camarina ; ils placèrent sur la droite la cavalerie, qui n’était pas de moins de douze cents hommes, et près d’elle, les gens de traits. Comme c’étaient les Athéniens qui allaient entamer l’affaire, Nicias parcourut les rangs des différentes nations et anima leur courage à peu près en ces termes :

LXVIII. « Qu’est-il besoin, soldats, de vous

  1. (Voyez liv. vi, § ii.)