Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/322

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à Alcibiade, se réfugiérent vers le Pont-Euxin, ensuite à Athènes, où ils eurent le droit de bourgeoisie. Lysandre y renvoya la garnison et tout ce qu’il rencontra d’Athéniens ailleurs, en leur donnant un passe-port pour cette ville seulement, persuadé que plus l’affluence serait grande dans Athènes et au Pirée, plus tôt ils auraient la famine. Dès qu’il eut nommé le Lacédémonien Sthénélaüs, harmoste de Byzance et de Chalcédoine, il retourna à Lampsaque, pour radouber ses vaisseaux.

Cependant le Paralien arrive de nuit : la nouvelle désastreuse se publie ; des gémissemens la portent du Pirée et de ses longs murs jusque dans la ville ; elle passe de bouche en bouche. Cette nuit, personne ne dormit, ils pleuraient les morts ; surtout ils s’attendaient aux mauvais traitemens qu’ils avaient exercés envers Mélos, colonie lacédémonienne emportée d’assaut, envers les Histiens, les Scionéens, les Toronéens, les Éginètes, et envers beaucoup d’autres Grecs. Le lendemain, assemblée générale : on y arrête qu’on bouchera tous les ports, un seul excepté ; qu’on réparera les brèches, qu’on fera partout bonne garde, qu’enfin on se disposera à soutenir un siège.

Tandis qu’ils s’occupaient des préparatifs nécessaires, Lysandre arriva de l’Hellespont à Lesbos avec deux cents voiles, donna une constitution aux villes de l’île, entre autres à Mitylène, et dépécha Étéonice avec dix vaisseaux vers celles de Thrace, qui toutes embrassèrent le parti de Lacédémone : le reste de la Grèce, aussitôt après le combat naval, avait abandonné Athènes ; les Samiens seuls s’étaient maintenus dans leur démocratie en égorgeaut les nobles.

Il informa ensuite sa république et Agis qui était à Décélie, qu’il approchait avec une flotte de deux cents voiles. Aussitôt les Lacédémoniens et les autres Péloponnésiens, les Argiens exceptés, se lèvent en masse à l’ordre de Pausanias, l’un des rois de Sparte. Dès qu’ils furent tous rassemblés, Pausanias se mit à leur tête, et vint camper près d’Athènes, dans le gymnase qu’on appelle Académie.

Lysandre arrivé à Égine, en remit en possession ses anciens habitans, dont il enrôla le plus possible. Les Méliens et autres bannis jouirent de la même faveur. Il saccagea ensuite Salamine, et aborda avec cent cinquante voiles au Pirée, où dès lors aucun navire ne put entrer. Les Athéniens, assiégés par terre et par mer, ne savaient quel parti prendre : dénués de vaisseaux, d’alliés, de vivres, ils croyaient tout perdu, s’attendaient aux mauvais traitemens qu’ils avaient exercés non pour venger des injures reçues, mais pour emportement, contre de petites bourgades dont le seul crime était d’avoir marché sous les étendards lacédémoniens. Ils rendirent donc aux citoyens flétris tous leurs droits, et soutinrent le siège sans parler de capituler, quoique la famine tuât beaucoup de monde dans la ville.

Cependant, quand le blé vint à manquer entièrement, on dépêcha vers Agis ; on voulait l’alliance des Lacédémoniens, en conservant les murs et le Pirée : à ces conditions la paix serait conclue. Il dit aux députés d’aller à Sparte, comme n’ayant pas le pouvoir de traiter. Les députés portent cette réponse aux Athéniens, qui les envoient à Sparte. Arrivés à Sellasie, ville frontière, les éphores entendant les mêmes propositions que celles déjà faites à Agis, leur ordonnent de se retirer, et de revenir après une plus mûre délibération s’ils désiraient la paix. Les députés retournent, exposent le résultat de leur négociation : le découragement s’empare des esprits ; la servitude semblait à tous inévitable : et d’ailleurs, jusqu’au retour de nouveaux députés, combien de citoyens périraient par la famine ! Personne n’osait proposer la démolition des murs, depuis qu’on avait emprisonné Archestrate, pour avoir dit en plein sénat que le meilleur parti était d’accepter la paix aux conditions offertes par les Lacédémoniens. Or ils proposaient d’abattre dix stades de l’un et de l’autre côté des longues murailles, et un décret interdisait toute délibération à ce sujet.

Telle était la position des affaires, lorsque Théramène dit dans l’assemblée, que si on le députait vers Lysandre, il serait en état de déclarer, à son retour, si Lacédémone veut démanteler Athènes, pour l’asservir, ou par mesure de sûreté. On l’envoya ; mais son séjour près de Lysandre dura plus de trois mois. Il attendait que les Athéniens, entièrement dépourvus de subsistances, fussent disposés à un accommodement quelconque. De retour au quatrième mois, il assura ses concitoyens que Lysandre l’avait retenu jusqu’alors, et qu’à la fin il l’envovait à