Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/332

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de l’argent, des alliés, n’avez pu échapper à la tyrannie que secondés par des hommes qui n’avaient aucun de vos avantages ? Vous enorgueilliriez-vous de votre alliance avec Lacédémone ? Comptez donc sur une république qui vous livre au peuple offensé, comme ces chiens qu’on livre muselés à ceux qu’ils ont mordus, et qui disparaît ensuite. Quoi qu’il en soit, compagnons de mes périls, n’attendez pas de moi le conseil d’éluder un traité dont vous venez de jurer le maintien ; montrez qu’aux autres vertus vous joignez la fidélité la plus religieuse à vos engagemens. »

Après ces réflexions et autres semblables, après les avoir exhortés à redouter toute innovation et à se régler sur les anciennes lois, il congédia l’assemblée. Bientôt on créa des magistrats pour gouverner la république. Peu de temps après, la nouvelle se répandit que ceux d’Eleusis levaient des troupes étrangères : on se leva en masse, on marcha contre eux ; leurs généraux furent tués dans une entrevue ; on amena les autres à un accommodement par l’entremise de leurs parens et de leurs amis ; l’on jura ensuite qu’on oublierait toutes les injures. Le serment fut respecté. A présent même encore, ils vivent tous ensemble sous l’empire des mêmes lois.


LIVRE III.


CHAPITRE PREMIER.


Ainsi finit la sédition d’Athènes. Dans le même temps, Cyrus députa vers les Lacédémoniens, pour demander qu’on le défendît avec ce zèle dont il leur avait donné des preuves dans la guerre contre les Athéniens. Les éphores jugeant sa demande équitable, ordonnerent à Samius, alors navarque, de seconder Cyrus dans toutes ses vues ; ce qu’il fit avec un parfait dévouement. En effet, avec sa flotte et celle de Cyrus, il fit voile en Cilicie et rendit inutiles les efforts de Syennésis, gouverneur de la province, qui voulait, par terre, empêcher Cyrus de marcher contre Artaxerxe. Quant aux moyens que Cyrus employa pour lever une armée, pour la conduire dans la haute Asie contre son frère ; quant au récit du combat, de sa mort, du retour des Grecs en leur patrie par le Pont-Euxin, c’est ce que nous a transmis le Syracusain Thémistogène.

Le grand roi avait senti tout le prix des services de Tissapherne dans cette guerre. Le satrape récompensé se vit à peine confirmé dans son ancien gouvernement, et nommé de plus à celui de Cyrus, qu’il enjoignit aussitôt à toutes les villes ioniennes de connaître sa domination. Jalouses de leur liberté, craignant d’ailleurs le ressentiment de Tissapherne, à qui elles avaient préféré Cyrus, elles lui refusèrent leurs portes, et députèrent vers les Lacédémoniens en les priant, comme libérateurs de la Grèce entière, de s’intéresser aussi aux Grecs de l’Asie, de garantir leur territoire du ravage et leur liberté de toute atteinte. On leur envoya Thimbron avec mille nouveaux affranchis et environ quatre mille Péloponnésiens. Cet harmoste demanda en outre trois cents cavaliers aux Athéniens, avec promesse de les solder. Ils donnèrent ceux qui avaient servi sous les Trente, persuadés que la république gagnerait à leur éloignement et à leur mort.

Arrivé en Asie, il rassembla des troupes des villes grecques du continent : car alors, dès qu’un Lacédémonien parlait, toutes les villes obéissaient. A la vue de la cavalerie ennemie, il ne descendait pas dans la plaine, il se bornait à empêcher, où il se trouvait, le ravage des terres. Mais lorsque les troupes, compagnes de l’expédition de Cyrus, se furent réunies à lui, il descendit en rase campagne, se rangea en bataille et prit, sans coup férir, Pergame, Teuthranie et Halisarne, où commandaient Eurysthène et Proclès, fils du Lacédémonien Démarate, à qui le roi de Perse les avait données pour récompense de ses services en Grèce. Vinrent aussi sous ses étendards, Gorgion et Gongyle, tous deux frères, dont l’un tenait l’ancienne et la nouvelle Gambrie, l’autre Myrine et Grynion. Le roi avait fait ce don à Gongyle, parce que, seul des Érétriens, son attachement au parti des Mèdes lui avait valu l’exil.

Il emporta encore quelques autres places mal défendues. Quant à Larisse surnommée l’Égyptienne, qui refusait de lui obéir, il l’assiégea. Dès qu’il eut épuisé tous ses moyens, il essaye d’en détourner l’eau par de profondes tranchées. Les assiégés en diverses sorties les ayant com-