Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/365

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de la flotte, à l’aisance du soldat, et le maintenait dans l’obéissance.

Antalcide revenait d’Asie avec Tiribaze ; il avait obtenu pour les Lacédémoniens l’alliance du grand roi, si les Athéniens et leurs alliés n’acceptaient la paix telle que le roi la voulait donner. Dès qu’il eut appris que Nicoloque était assiégé dans Abyde par Iphicrate et Diotime, il s’y rendit par terre ; et de là, cinglant de nuit avec ses galères, il sema le bruit que les Chalcédoniens le mandaient, et s’arrêta au port de Percope. Diménète, Denys, Léontique et Phanias résolurent de le poursuivre sur la route de Préconèse ; mais quand ils furent passés, il rebroussa chemin et revint à Abyde. Il avait appris que Polyxène approchait avec vingt galères de Syracuse et d’Italie, dont il devait renforcer sa flotte.

Thrasybule de Colytte venait de Thrace avec huit vaisseaux qu’il voulait joindre à ceux d’Athènes. Antalcide, averti par ses sentinelles de l’approche de ces huit vaisseaux, fournit douze excellens voiliers et des matelots, avec ordre, s’il en manquait, d’en tirer de ceux qu’on laissait dans Abyde, et dressa une embuscade la plus couverte qu’il lui fut possible. Thrasybule passé, Antalcide se mit à sa poursuite. Les soldats de Thrasybule, étonnés, s’enfuirent. Antalcide, avec ses vaisseaux dont le sillage était rapide, atteignit bientot ceux de Thrasybule, dont la marche était lente. En même temps qu’il défendait à la tête de sa flotte de se jeter sur la queue ennemie, il se portait en avant. Bientôt les premiers bâtimens furent pris : alors les derniers, découragés, tombèrent au pouvoir même des plus lents voiliers ; il ne s’en sauva pas un seul.

Après cette prise et la jonction des vingt vaisseaux de Syracuse, de ceux de l’Ionie, commandés par Tiribaze, et de ceux d’Ariobarzane dont il était l’ancien ami ; après le départ de Pharnabaze, dont le roi de Perse faisait son gendre, Antalcide, avec une flotte de plus de quatre-vingts voiles, maître de toute la mer, empêchait les vaisseaux de naviguer du Pont-Euxin à Athènes, et les contraignait de rentrer dans les ports de leurs alliés.

Les Athéniens, alarmés d’une flotte nombreuse, inquiets de l’alliance du roi de Perse avec Lacédémone, incommodés des courses d’Égine, désiraient fortement la paix. Les Lacédémoniens, de leur côté, ayant une de leurs cohortes au Léchée, une autre à Orchomène, gardant les villes amies pour les protéger, et les villes suspectes pour y prévenir la révolte, faisant d’ailleurs autant de mal qu’ils en souffraient à Corinthe, n’étaient pas moins fatigués de la guerre. Les Argiens, qui voyaient une levée décrétée contre eux et qui savaient que désormais tout subterfuge leur devenait inutile, ne désiraient pas la paix avec moins d’ardeur. Tiribaze fit donc un appel à ceux qui voudraient accepter les conditions de paix envoyées d’Asie par le roi ; tous les députés se rendirent prés de lui. Tiribaze leur montra le sceau royal, et lut les dépèches dont voici la teneur :

« Le roi Artaxerxès trouve juste que les villes d’Asie et les îles de Cypre et de Clazomène restent dans sa dépendance, et que les autres villes grecques, grandes et petites, soient libres, à l’exception de Lemnos, d’Imbros et de Scyros, qui appartiendront, comme autrefois, aux Athéniens. Ceux qui se refuseront à cette paix, je les combattrai, de concert avec ceux qui l’accepteront ; je leur ferai la guerre et par terre et par mer, et avec mes vaisseaux et avec mes trésors. »

Les ambassadeurs firent leur rapport chacun à leur ville ; tous jurèrent la ratification du traité, excepté les Thébains, qui voulaient prêter serment au nom des Bœotiens. Agésilas déclara à ces Thébains qu’ils ne seraient pas admis au serment s’ils ne juraient, comme le portaient les patentes du roi, que les villes, grandes et petites, seraient libres. Les députés répartirent que leurs pouvoirs ne les y autorisaient pas. « Allez donc. leur dit Agésilas, en demander de nouveaux, et déclarez à vos commettans que s’ils n’y consentent, ils seront exclus du traité. » Ils partirent. Agésilas, qui haïssait les Thébains, ne perdit point de temps ; il gagna les éphores et sacrifia. Ayant eu des auspices favorables, il alla à Tégée, d’où il dépêcha des gens de cheval pour en faire avancer les périèces. De plus, il envoya les capitaines des troupes soldées dans les villes voisines, pour y faire de nouvelles levées ; mais avant qu’il sortit de Tégée, les Thébains comparurent et déclarèrent qu’ils consentaient à la liberté des villes. Les Lacédémoniens retournèrent donc dans leur patrie, et les Thébains furent contraints d’accéder au traité et de laisser