Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/367

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publique se trouvant gouvernée aristocratiquement et délivrée des fougueux démagogues, ils se consolèrent enfin. D’ailleurs, comme les Lacédémoniens ne faisaient plus de levée en masse, mais qu’ils prenaient tantôt un bourg et tantôt l’autre, les Mantinéens servaient plus gaiment que sous le gouvernement démocratique. Ainsi se termina le siège de Mantinée, qui doit apprendre à ne point faire traverser de rivière à travers une ville.

Les bannis de Phlionte, voyant que les Lacédémoniens recherchaient ceux qui les avaient desservis pendant la guerre, jugèrent que le moment de leur rétablissement était arrivé : ils allèrent à Sparte et représenterent que tant qu’ils avaient été les maîtres, ils avaient marché sous les étendards des Lacédémoniens, mais que depuis leur bannissement, leur ville seule, de toute la Grèce, leur avait fermé les portes. Les éphores, touchés de ces raisons, envoyèrent dire aux Phliasiens que leurs exilés étaient des amis de Sparte, que leur exil était injuste, qu’ils feraient mieux de les recevoir volontairement que par contrainte.

Les Phliasiens craignaient que les Lacédémoniens ne s’avançassent avec une armée et n’entrassent dans Phlionte, d’intelligence avec quelques habitans. Les exilés y avaient des parens bien imentionnés ; d’ailleurs plusieurs hommes avides de nouveauté, comme dans toutes les républiques, voulaient leur rappel. Agités de ces craintes diverses, les Phliasiens décrétèrent leur rappel avec la restitution des biens dont la propriété serait constatée ; le trésor public en rembourserait le prix aux acquéreurs ; en cas de contestation, la justice prononcerait. C’est ainsi que se termina l’affaire des bannis de Phlionte.

Cependant arrivèrent à Sparte des députés d’Acanthe et d’Apollonie, deux des plus grandes villes situées près d’Olynthe : les éphores, instruits de l’objet de la députation, les introduisireut dans l’assemblée générale, où étaient les alliés. Cligène l’Acanthien leur adressa ce discours :

« Lacédémoniens, et vous, alliés, vous ne vous apercevez pas d’un phénomène qui se montre sur l’horizon de la Grèce. Olynthe, comme tout le monde sait, est la ville la plus puissante de la Thrace. Les Olynthiens se sont d’abord attaché quelques villes, à condition qu’elles se gouverneraient toutes par les mêmes lois, et formeraient une seule république ; ils en ont ensuite engagé dans leur parti de plus considérables ; ils ont même tenté de détacher les villes de Macédoine de l’obéissance de leur roi Amyntas. Après avoir gagné les plus voisines, ils sont allés sur-le-champ à de plus fortes et de plus éloignées ; nous les avons laissés maîtres, entre plusieurs autres villes, de Pella, la plus grande des villes de la Macédoine. Nous voyons Amyntas perdant successivement ses places, et presque entièrement dépouillé de ses états.

« Les Olynthiens nous ont fait notifier, à nous et aux Apolloniates, que si nous refusions d’entrer dans leur ligne, ils viendraient nous attaquer. Nous désirons, Lacédémoniens, vivre selon nos lois et nous gouverner nous-mémes ; mais si l’on ne nous secourt pas, nous serons forcés de nous joindre à des ennemis redoutables. Ils ont au moins huit cents hoplites et beaucoup plus de peltastes. Quant à leur cavalerie, elle sera de mille hommes et plus, si nous joignons nos forces aux leurs.

« Nous avons laissé dans leur ville des députés d’Athènes et de Thèbes ; et l’on disait que les Olynthiens avaient décrété d’envoyer eux-mêmes des ambassadeurs à ces deux républiques pour négocier une alliance. Si les Thébains et les Athéniens fortifient encore cette puissance, prenez garde qu’il ne vous soit plus possible de la réduire.

« A présent que les Olynthiens ont Potidée, située sur l’isthme de Pallène, croyez que les autres villes de cette Chersonèse ne tarderont pas à être en leur pouvoir. Une preuve de la grande frayeur de ces villes, c’est que, malgré toute la haine pour ces nouveaux dominateurs. elles ont craint d’envoyer des députés avec nous pour vous instruire de ce qui se passe.

« Examinez encore si, lorsque vous travaillez à empêcher la réunion des peuples de la Béotie, vous devez voir tranquillement se former une puissance qui s’accroitra même du côté de la mer : et quel obstacle opposerait-on à un peuple qui possède dans son territoire des bois de construction, qui tire des revenus de quantité de ports et de marchés, et à qui un sol fertile assure une nombreuse population ? Ajoutez que les Thraces, nation libre, dont ils sont voisins,