Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/123

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de cœur, au chrétien. Tu dois avoir de la pitié pour elle, dit-il.

— Pourquoi ? fit doucement Karénine.

— Oui, de la pitié. Si tu la voyais comme moi — j’ai passé tout l’hiver près d’elle — tu aurais pitié d’elle, sa situation est affreuse, absolument affreuse…

— Il me semble qu’Anna Arkadievna n’a que ce qu’elle a voulu, répondit Alexis Alexandrovitch d’une voix plus aiguë, presque perçante.

— Ah ! Alexis Alexandrovitch ! Au nom de Dieu, ne récriminons pas ! Ce qui est fait est fait. Tu sais ce qu’elle désire et attend, c’est le divorce.

— Je croyais qu’Anna Arkadievna renonçait au divorce dans le cas où je garderais mon fils, je lui ai répondu dans ce sens et je croyais l’affaire terminée. Je la regarde comme terminée, glapit Alexis Alexandrovitch.

— Au nom de Dieu ne t’emporte pas ! supplia Stépan Arkadiévitch touchant le genou de son beau-frère. L’affaire n’est pas terminée. Si tu me permets de te le rappeler, voici comment les choses se sont passées. Quand vous vous êtes séparés, tu t’es montré aussi magnanime qu’on peut l’être ; tu lui donnais tout : la liberté, même le divorce. Elle l’a apprécié. Non, ne crois pas… elle l’a véritablement apprécié… à tel point que sur le premier moment, sentant sa culpabilité envers toi, elle n’a pas réfléchi, elle ne pouvait réfléchir… elle renonça à tout…