Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/120

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Wronsky courut chez les Karénine. Il enjamba l’escalier, entra précipitamment, traversa, en courant presque, l’appartement, entra dans la chambre d’Anna, et, sans même se demander si la présence d’un tiers ne devait pas l’arrêter, il la prit dans ses bras et couvrit de baisers ses mains, son visage et son cou.

Anna s’était préparée à le revoir et avait pensé à ce qu’elle lui dirait ; mais elle n’eut pas le temps de parler : la passion de Wronsky l’emporta. Elle aurait voulu le calmer, se calmer elle-même, mais ce n’était pas possible ; ses lèvres tremblaient, et longtemps elle ne put rien dire.

« Oui, tu m’as conquise, je suis à toi, parvint-elle enfin à dire en serrant la main de Wronsky contre sa poitrine.

— Cela devait être ! et tant que nous vivrons cela sera ; je le sais maintenant.

— C’est vrai, répondit-elle palissant de plus en plus, tout en entourant de ses bras la tête de Wronsky. Cependant ce qui nous arrive a quelque chose de terrible après ce qui s’est passé.

— Tout cela s’oubliera, nous allons être si heureux ! Si notre amour avait besoin de grandir, il grandirait parce qu’il a quelque chose de terrible », dit-il en relevant la tête et montrant ses dents blanches dans un sourire.

Elle ne put lui répondre que par un regard de ses yeux aimants ; puis, lui prenant la main, elle s’en caressa le visage et ses pauvres cheveux coupés.

« Je ne te reconnais plus avec tes cheveux ras.