Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/237

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La comtesse savait que ces distinctions, sans qu’il en voulût convenir, lui causaient une de ses joies les plus vives.

« Que fait notre ange ? demanda-t-elle, faisant allusion à Serge.

— Je ne puis dire que j’en sois très satisfait, répondit Alexis Alexandrovitch, levant les sourcils et ouvrant les yeux. Sitnikof ne l’est pas davantage (c’était le pédagogue chargé de Serge). Comme je vous le disais, je trouve en lui une certaine froideur pour les questions essentielles qui doivent toucher toute âme humaine, même celle d’un enfant. » Et Alexis Alexandrovitch entama le sujet qui, après les questions administratives, le touchait le plus, l’éducation de son fils. Jamais, jusque-là, les questions d’éducation ne l’avaient intéressé ; mais, ayant senti la nécessité de suivre l’instruction de son fils, il avait consacré un certain temps à étudier des livres de pédagogie et des ouvrages didactiques, afin de se former un plan d’études, que le meilleur instituteur de Pétersbourg fut ensuite chargé de mettre en pratique.

« Oui, mais le cœur ! Je trouve à cet enfant le cœur de son père, et avec cela peut-il être mauvais ? dit la comtesse d’un air sentimental.

— Peut-être… Pour moi, je remplis mon devoir, c’est tout ce que je puis faire.

— Vous viendrez chez moi ? dit la comtesse après un moment de silence ; nous avons à causer d’une chose triste pour vous. J’aurais donné tout au monde pour vous épargner certains souvenirs ;