Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/332

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— C’est une mauvaise fille ! Ah ! combien je regrette miss Elliott ; cette gouvernante est une vraie machine ! Figure-toi… »

Et elle raconta les méfaits de la coupable Macha.

« Je ne vois là rien de bien grave, c’est une gaminerie…

— Mais qu’as-tu, toi ? tu as l’air ému, que s’est-il passé ? » demanda Dolly.

Et au ton dont elle fit ces questions, Levine sentit qu’il serait compris.

« Nous venons de nous quereller avec Kitty, c’est la seconde fois depuis l’arrivée de Stiva. »

Dolly le regarda de ses yeux intelligents.

« La main sur la conscience, dis-moi si ce jeune homme a un ton qui puisse non seulement être désagréable, mais intolérable pour un mari ?

« Que veux-tu que je te dise… Selon les idées reçues dans le monde, il se conduit comme tous les jeunes gens, il fait la cour à une jeune femme, et un mari homme du monde en serait flatté.

— C’est ça, tu l’as remarqué ?

— Non seulement moi, mais Stiva m’a fait, après le thé, la même remarque.

— Alors me voilà tranquille, je vais le chasser, dit Levine.

— As-tu perdu l’esprit ? s’écria Dolly avec terreur, à quoi penses-tu, Kostia ?… Va, dit-elle, s’interrompant pour se tourner vers l’enfant prête à quitter son coin, va trouver Fanny… Je t’en prie, laisse-moi parler à Stiva ; il l’emmènera, on peut lui dire qu’on attend du monde…