Page:Tolstoï - Qu’est-ce que l’art ?.djvu/139

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travaillent, et même une grande partie des classes supérieures, qui ne comprennent pas davantage les œuvres d’art considérées par nous comme les plus belles de toutes, les poèmes de Goethe, de Schiller, d’Hugo, les romans de Dickens, la musique de Beethoven et de Chopin, les tableaux de Raphaël et de Léonard, les statues de Michel-Ange, etc.

Et si j’ai le droit de penser que c’est par suite de l’insuffisance de son développement intellectuel que la grande majorité des hommes ne comprend pas et ne goûte pas ces œuvres, à mon avis si parfaites, je n’ai pas le droit non plus d’affirmer que, si je ne comprends ni ne goûte les nouvelles œuvres d’art, cela ne provient pas simplement de l’insuffisance de mon développement intellectuel. Si j’ai le droit de dire que mon impossibilité à comprendre les œuvres des nouvelles écoles vient de ce qu’il n’y a dans ces œuvres rien à comprendre, on pourra dire, en vertu du même droit, que tout ce que je tiens pour les chefs-d’œuvre de l’art est de mauvais art, et incompréhensible, puisque l’énorme masse du peuple est hors d’état d’y rien comprendre.

Je me suis un jour rendu un compte très net de ce qu’il y avait d’injuste dans cette façon de