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RÉSURRECTION



Ayant achevé sa lecture, le président reprit la première question.

Hé bien ! Messieurs, comment allons-nous répondre sur ce premier point ?

La réponse fut vite trouvée. Tous se mirent d’accord pour l’affirmative, tant au sujet du vol que de l’empoisonnement. Un seul des jurés refusa de tenir Kartymkine pour coupable : un vieil artisan qui, sans commentaires, répondait toujours négativement à toutes les questions.

Le président se figura d’abord que ce vieillard ne comprenait pas, et il se mit en devoir de lui expliquer que, sans l’ombre d’un doute, Kartymkine et la Botchkova étaient coupables ; mais le vieillard répondit qu’il comprenait fort bien, et que, suivant lui, mieux valait tout pardonner. « Nous-mêmes, dit-il, ne sommes pas des saints ! » Et rien ne put l’amener à changer d’avis.

Sur la seconde question, concernant la Botchkova, après de longs débats la réponse fut : « Non, elle n’est pas coupable. » On estima, en effet, que les preuves manquaient de sa participation à l’empoisonnement : c’était d’ailleurs sur ce point qu’avait particulièrement insisté son avocat.

Le marchand, qui cherchait à innocenter la Maslova, soutint de nouveau que la Botchkova était l’agent principal de toute l’affaire. Et plusieurs des jurés furent de son avis, jusqu’au moment où le président, soucieux de se maintenir sur le terrain de la stricte légalité, fit observer que, en tout cas, sa participation à l’empoisonnement n’était établie par aucune preuve matérielle. On discuta longtemps encore, mais l’avis du président finit par prévaloir.

On déclara en revanche, sur la quatrième question, que la Botchkova était coupable d’avoir pris l’argent. À la demande de l’artisan, on ajouta : « Avec des circonstances atténuantes. »

Enfin vint le tour de la troisième question, qu’on avait réservée pour la fin. Elle donna lieu à une discussion plus vive encore que les trois autres.