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RÉSURRECTION

entendait le bruit des souliers sur les dalles, un murmure de voix, et, par instants, des rires. À un tournant, la Maslova aperçut la méchante figure de son ennemie la Botchkova, qui marchait en tête de la colonne : elle la montra à Fenitchka.

Au bas des marches, toutes les femmes firent silence, et, avec des signes de croix et des salutations, entrèrent deux par deux dans la chapelle, encore vide, mais déjà étincelante de lumières. Elles allèrent se placer à droite et s’assirent sur une rangée de bancs, en troupe serrée. Aussitôt après, ce fut le tour des hommes, qui, tous vêtus de gris, vinrent s’installer sur la gauche et au centre de la chapelle. Quelques-uns furent conduits par un petit escalier à l’orgue, placé dans le haut de la nef.

La chapelle de la prison avait été récemment restaurée et remise à neuf par les soins d’un riche marchand, qui avait dépensé, à cet effet, plusieurs dizaines de milliers de roubles. Elle brillait de dorures et de couleurs vives.

Pendant quelque temps, la chapelle resta silencieuse : on n’entendait que des bruits de nez qui se mouchaient, des toux, des cris d’enfants, et, parfois, le son des chaînes remuées. Mais, bientôt, les prisonniers qui se tenaient au centre s’écartèrent pour laisser un passage libre, et par ce passage s’avança jusqu’au premier rang, solennellement, le directeur de la prison.

Aussitôt commença le service divin.

Debout au milieu de la foule des prisonnières, la Maslova ne pouvait rien voir que le dos des femmes qui étaient devant elle ; mais, quand tout le monde se mit en mouvement pour aller baiser la croix et la main du prêtre, elle eut une grande distraction à voir les assistants, le directeur, les gardiens, et à reconnaître derrière eux un homme à la barbiche et aux cheveux blonds, le mari de Fenitchka, tenant ses yeux tendrement fixés sur sa femme.

— La Maslova ! au parloir ! dit un gardien, au moment où les femmes sortaient de la chapelle.