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CHAPITRE XXVIII


I


Après avoir traversé un sombre et puant corridor, d’autant plus puant que des ordures s’y étalaient librement sur le plancher, Nekhludov et l’Anglais, sous la conduite du directeur, pénétrèrent dans la première salle des condamnés aux travaux forcés. Ils y virent environ soixante-dix prisonniers, dont la plupart s’étaient déjà couchés pour la nuit. On avait rapproché tous les lits, l’un contre l’autre, au milieu de la salle : de sorte que les prisonniers étaient couchés côte à côte.

À l’arrivée des visiteurs, tous se relevèrent brusquement avec un grand bruit de chaînes ; et Nekhludov fut frappé de l’éclat de leurs crânes, nouvellement rasés.

Deux d’entre eux, cependant, ne se levèrent pas. L’un était un tout jeune homme, rouge et tremblant de fièvre ; l’autre, plus âgé, ne cessait point de gémir.

L’Anglais demanda si le jeune prisonnier était malade depuis longtemps déjà. Il n’était malade que depuis le matin ; mais l’autre prisonnier souffrait depuis longtemps d’une maladie d’estomac, et l’on attendait d’avoir une place libre à l’infirmerie pour l’y envoyer.

— Puis l’Anglais pria Nekhludov de vouloir bien traduire aux prisonniers quelques mots qu’il avait à leur dire ; et il lui apprit, du même coup, que, tout en voyageant surtout en Sibérie pour y étudier le régime de la déportation, il s’était aussi chargé de répandre parmi les déportés la bonne parole évangélique.

— Je voudrais leur dire que Christ est mort pour