Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/106

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comme l’est toute ma vie. Il n’y a rien de pareil, et aucun miracle ne peut me le prouver, parce que le miracle ne sera encore qu’une représentation, et même peu raisonnable. »

« Mais ma conception de Dieu, de ce que je cherche, me demandais-je, cette conception, d’où vient-elle ? » Et, de nouveau, à cette pensée, les ondes joyeuses de la vie se soulevaient en moi. Tout s’animait autour de moi, recevait un sens. Mais ma joie n’était pas longue. L’esprit continuait son travail.

« L’idée de Dieu n’est pas Dieu, me disais-je. L’idée est ce qui se passe en moi. L’idée de Dieu, c’est quelque chose que je puis réveiller ou non en moi. Ce n’est pas ce que je cherche. Je cherche ce sans quoi la vie ne saurait être. » Et comme tout se mourait autour de moi, de nouveau, je voulais me tuer.

Mais je rentrai en moi-même, et me rappelai tous ces élans de désespoir et d’espoir qui m’avaient assailli des centaines de fois. Je me rappelai que je ne vivais que dès que je croyais en Dieu. Maintenant comme auparavant, dès que je pensais connaître Dieu, je vivais ; mais dès que je l’oubliais, que je n’y croyais pas, je cessais de vivre.

Qu’est-ce donc que cette exaltation et ce désespoir ? Je ne vis pas quand je perds la foi en l’existence de Dieu. Je me serais tué depuis longtemps sans l’espoir vague de le trouver. Je vis, je vis