Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/394

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semer du froment. On sème le froment dans la terre vierge, où pousse la stipe plumeuse, ou bien dans la terre en jachère. On cultive la terre un an ou deux, puis on l’abandonne jusqu’à ce que la stipe ait repoussé. De la terre meuble, il y en a en abondance, mais on n’y peut semer que le seigle ; le froment demande une terre forte. Et pour la terre forte les amateurs sont nombreux ; il n’y en a pas pour tout le monde ; et on se la dispute. Les plus riches la veulent labourer eux-mêmes ; les plus pauvres la vendent aux marchands, pour payer les impôts. Pakhom voulait ensemencer beaucoup. L’année suivante, il alla chez le marchand et afferma la terre pour un an.

Il sema davantage ; tout poussa bien, mais c’était loin du village, il y avait bien une quinzaine de verstes. Pakhom se rendit compte qu’en ce pays les marchands paysans avaient des maisons de campagne, qu’ils s’enrichissaient. « Je serais comme eux, pensait-il, si j’avais pu acheter de la terre à perpétuité et bâtir des maisons de campagne, j’aurais tout cela sous la main. »

Et il songeait au moyen d’acquérir de la terre à perpétuité.

Pakhom vécut ainsi trois ans. Il affermait la terre et semait du blé. Les années étaient bonnes ; le blé venait bien ; il gagnait de l’argent. Il n’avait qu’à vivre tranquillement, mais il était ennuyé d’être obligé d’affermer de la terre chaque année : « C’est